Un projet pour la France est forcément, aussi, une ambition pour l'Europe et une proposition pour le monde.
Pour nous démocrates, la France défend un
ordre mondial fondé sur l'équilibre de la puissance, l'égale dignité des peuples et leur co-responsabilité dans leur obligation de développement.
L'Europe doit considérer que sa mission est de protéger l'intégrité des sociétés européennes et de leurs avancées sociales et pas seulement l'efficacité des marchés. Ainsi comprise, l'Europe doit être un relais précieux de notre influence dans le monde pour le progrès de nos
sociétés.
6-1 Redonner de l'ambition
à l'Europe
Une Europe plus démocratique
Les Européens ont aujourd'hui un sentiment de perte du sens, d’absence
d’identification des objectifs et des buts poursuivis pour l'Union. Les référendums populaires sur les questions européennes depuis le traité de Maastricht ont traduit cet éloignement croissant
entre les citoyens et l’Europe. Il a pu s'installer dans les esprits que les peuples se voient comme emmenés contre leur gré dans la poursuite d’une construction qui leur échappe.
Nous affirmons pourtant que l'Europe est bien notre horizon. Pour restaurer la confiance, il est nécessaire que les décisions européennes soient perçues par les citoyens comme
les leurs. Le traité de Lisbonne va contribuer à cette lisibilité.
Nous regrettons cependant que les chefs d'Etats et de gouvernement procèdent à des tractations pour désigner les principaux responsables de l’exécutif européen dont le président de la commission, sans grand souci démocratique.
De même, l'extension des compétences du
Parlement européen, déjà l'une des institutions les plus démocratiques du monde, est une excellente chose, mais
la procédure de codécision reste extrêmement complexe et peu lisible pour le citoyen.
La méthode diplomatique a été parfaitement adaptée pour mener l'Europe où elle en est : paix définitive entre l'Allemagne et la France,
réunification de l'Europe après la chute du mur de Berlin, mais l'importance des décisions qui sont prises désormais quant à la vie des citoyens impose une transparence plus grande des modalités
de décision.
Pour cela, nous voulons :
* une information publique donnée à l'avance sur les sujets qui vont être à l'ordre du jour du débat européen ;
* une utilisation en France
des symboles de l'Europe (drapeau, hymne…) comme c’est déjà le cas dans 16 pays de l’Union ;
* une ouverture de l'Ecole à l'Europe dans les programmes scolaires et dans les échanges entre élèves et étudiants des différents pays de l'Union ;
* une élection du Président de l’Union au
suffrage universel par les citoyens de l'Europe et une élection du Parlement européen
sur une circonscription paneuropéenne.
Une Europe ayant son propre modèle, avec une forte composante sociale
Le grand défi de notre génération est de trouver
une réponse humaniste à la mondialisation.
C'est pourquoi nous considérons que la construction d’une Europe sociale est vitale. À ce titre, le
développement d’un droit du travail cohérent en Europe doit permettre de
définir de nouveaux équilibres entre la nécessaire protection des salariés et la recherche de compétitivité.
Dans le périmètre de ses compétences présentes, l’Union européenne a d’ores et déjà permis de nombreuses avancées concrètes en matière de
protection de la santé publique ou de la santé au travail, de financement des politiques d’insertion, de lutte contre les discriminations, de couverture sociale des non-résidents, d’intégration des personnes handicapées. L’Europe symbolise des droits nouveaux ou, à tout le
moins, la mise à niveau des normes nationales. L’Europe avance aussi à travers la diffusion des meilleures pratiques repérables dans les différents
pays.
Mais il reste beaucoup à faire. Si la protection sociale reste organisée à l’échelle nationale, l’Europe doit renforcer son action
dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Il en va de même face aux défis communs comme celui du vieillissement
de la population, de la sécurité sanitaire et de la lutte contre les maladies infectieuses qui ne connaissent pas les frontières.
Une gouvernance européenne au service de la
croissance
Nous proposons de créer un Conseil de la politique économique de la zone euro dont le rôle serait d’exercer une coordination de la politique économique et budgétaire et de dialoguer avec la BCE. Ce Conseil agirait avec des
instruments d’action nouveaux comme une ligne de crédit adossée à la BCE, une sorte de Fonds Monétaire Européen, qui pourrait venir en aide à des pays défaillants au sein de l’Union, ou encore une
agence européenne d’émission de la dette publique pour réaliser de nouveaux emprunts européens.
Dans le même esprit, la mise en place
d’un véritable budget européen (financé par des ressources propres sans augmentation de la pression fiscale
nationale), qui puisse notamment servir d’instrument de politique budgétaire contracyclique, doit être effective.
La crise nous a montré combien les établissements financiers se sont fourvoyés dans les placements spéculatifs hasardeux. Il est grand temps de remettre la finance au service de l'économie réelle.
Pour ce faire, nous proposons d’œuvrer pour :
* doter l’Union Européenne d’une autorité de supervision unique pour les banques, les assurances et les marchés financiers
;
* réguler les hedge funds et revenir à un encadrement des marchés à terme y compris les
matières première. En limiter l’intervention aux acteurs physiques et commerciaux et exclure les acteurs purement
financiers.
* séparer les banques de dépôts et les
établissements financiers et spéculatifs ;
* supprimer les paradis fiscaux avec un
calendrier contraignant ;
*pour encourager le comportement responsable des grandes entreprises,
introduire une norme comptable fondée sur la responsabilité sociale et
environnementale pour les grandes entreprises et réalisée par des agences indépendantes
;
* taxer les transactions purement spéculatives et pour cela mettre en place
la taxe Tobin ;
* considérer les bourses et les chambres de compensation comme des services publics et envisager la
création d’une bourse européenne.
Pour favoriser l’emploi et la croissance, l’Europe se doit d'assurer de fortes synergies entre les pays membres, et pour cela :
* soutenir les
rapprochements entre entreprises pour susciter des « champions européens ». Un Fonds
stratégique européen pourrait élargir les compétences actuelles du Fonds Européen
d’Investissement. Il investirait dans les grandes entreprises stratégiques, les PME innovantes, les projets d’infrastructures de niveau européen ;
* mutualiser des moyens nationaux de R&D en faveur
des technologies propres et économes ;
* disposer d’agences européennes de moyens, à l’instar des agences fédérales
américaines motrices en matière d’appui à la recherche.
Les PME/TPE doivent bénéficier d’un dispositif particulier. Ainsi, nous proposons de :
* mettre en place un véritable Small Business Act, tant au niveau français qu'européen, incluant :
- la réservation d’une part de la commande publique aux TPE / PME ;
- la simplification des formalités administratives pour les TPE / PME .
Nous voulons mettre en œuvre un commerce
international mieux régulé et plus équitable, notamment pour assurer le développement des pays les plus pauvres, et pour
cela :
* intégrer les objectifs environnementaux et sociaux dans les échanges internationaux, à travers une réforme de
l’OMC ;
* faciliter la création d’un panier mondial de
grandes monnaies pour stabiliser les coûts des transactions commerciales ;
* cesser rapidement d’exporter nos excédents
agricoles à prix bradés qui détruisent les agricultures vivrières des pays pauvres. Pour ce
faire, les marchés agricoles doivent être régulés au niveau mondial.
Dans le même esprit, il convient pour la France de réaffirmer l’engagement pris au Sommet du Millénaire de consacrer 0,7 % du PNB à l’aide publique au développement au cours de la prochaine
décennie tout en tenant compte des capacités d’absorption et de bonne gouvernance des Etats destinataires. L'Afrique, continent voisin de
l’Europe, où les problèmes de pauvreté sont les plus importants, doit être l'objet d’une
attention toute particulière des Européens.
6-2 Bâtir une diplomatie et une défense au service de la
paix
Les Etats qui vont compter dans le monde sont à la dimension de continents : Russie, USA, Chine,
bientôt Inde et peut-être Brésil. La France ne pourra assurer sa sécurité qu’à travers une Europe forte, ayant une
diplomatie et une défense efficaces et respectées.
Nous identifions trois objectifs majeurs :
- Premier objectif : l'Union européenne doit être en mesure d'assurer la
protection de ses citoyens et de leurs intérêts face aux menaces directes et indirectes.
Sans rejeter l'alliance atlantique, elle doit s’en donner les moyens, y compris un jour, en toute indépendance, sans les Etats-Unis.
Il faut, bien entendu, mettre en œuvre les nouvelles dispositions prévues par le traité de Lisbonne en vue de
renforcer les piliers d'une défense européenne commune. La mutualisation de certaines dépenses d'équipements militaires doit permettre de faire des
économies budgétaires croissantes.
Nous voulons aussi une reformulation de notre doctrine en matière nucléaire. La dissuasion ne peut pas rester seulement nationale car nos intérêts ne sont pas limités à nos frontières, et
des dispositions d'assistance mutuelle sont incluses dans le traité de Lisbonne.
Il sera donc nécessaire que les efforts de la France et de la Grande-Bretagne soient partagés avec les autres pays de l'Union européenne, et
qu'ils deviennent totalement bénéficiaires de notre arme nucléaire de dissuasion.
Dans le même temps, nous devons aller plus loin en matière de désarmement nucléaire. Le 24 septembre 2009, le Conseil
de sécurité des Nations Unies a adopté à l'unanimité une résolution engageant tous les Etats à devenir partie au Traité
sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et ses membres à négocier un désarmement nucléaire. Il importe que la France et l'Union européenne prennent des initiatives non seulement pour
suivre ce mouvement, mais également pour l'amplifier à travers le renforcement de leur coopération avec les Etats-Unis et la Russie.
Enfin face au développement rapide de la menace, il faudra rapidement trouver une position européenne sur la
défense de notre continent contre les missiles balistiques, défense sans doute plus facilement mutualisable que la dissuasion et que l'on ne peut
laisser assurer uniquement par les Etats-Unis.
Face à des armées toujours plus professionnalisées, nous devons créer de nouveaux liens entre ceux qui exercent le
métier militaire et la nation. Il est utile pour cela de définir une
nouvelle politique de gestion des réservistes, afin que chacun puisse à tout moment suivre un
stage ou une formation dans des centres militaires validables dans le cadre du droit individuel à la formation. Cela permettrait à nos armées de s’ouvrir à des personnels venant d’itinéraires et d’horizons multiples. Nous sommes favorables à la mise en place d'un corps de garde-côtes et d’une
sécurité civile à l'échelon européen.
La question des moyens d'observation et de
renseignement ne doit enfin pas être négligée, en particulier dans les domaines économique et industriel.
- Deuxième objectif : L'Europe doit également
peser sur l'organisation du monde.
Lorsque l'Europe sait le faire, elle peut obtenir des résultats majeurs, y compris face aux États-Unis. La mise en application du protocole de Kyoto l'a prouvé. Le développement continu des outils diplomatiques européens doit donc devenir l'un des objectifs
principaux de notre politique étrangère. Cela passe par la recherche d'une parole unique quand
c'est possible, ou au moins coordonnée, des états européens au sein d'instances internationales comme l'OMC ou le FMI.
- Troisième objectif : Le monde doit pouvoir compter sur l'Europe pour promouvoir la paix et le développement. De même que par le passé, les guerres
européennes se sont étendues à la planète, la vocation de l'Union européenne est désormais de favoriser la paix dans le
monde en prônant des valeurs de démocratie, de respect des droits de l'Homme et de respect de la diversité des cultures
et des civilisations présentes dans toutes les régions du monde.
Les crises géopolitiques et géoéconomiques ne manquent pas. L'Europe - avec un rôle d’impulsion joué par la France - doit lutter contre ces crises et si possible les prévenir.
Nous prônons pour cela des moyens renforcés pour assurer la transparence électorale, et une meilleure utilisation des capacités d'interventions internationales sous l'égide de l'ONU dans
les cas de non-respect des droits de l'Homme ou des droits des minorités.
Nous pensons aussi que l'Europe doit proposer son modèle original d'organisation à d'autres régions du monde.
Nous devons faciliter le développement ou la création de structures comme l'Union africaine, l'Association des
Nations d'Asie du sud-est, l'Union des Nations sud-américaines, le Conseil de coopération
du Golfe et l'Union pour la Méditerranée. Il est essentiel de faciliter la représentation des Etats de taille moyenne à l'échelle mondiale, en leur donnant une voix lors
des négociations internationales à travers de telles organisations régionales.
6-3 Promouvoir l'idéal démocrate dans le monde
Nous sommes le Mouvement Démocrate.
Ce nom de démocrate, c'est celui de ceux
qui refusent les dictatures. Il y a un grand courant démocrate en formation dans le monde et le monde a besoin de
ce courant. En Chine, démocrate, cela signifie résistant. Au Japon, démocrate, cela
signifie défenseur du changement. Aux États-Unis,
démocrate, cela signifie homme ou femme de progrès.
Des courants démocrates sont en gestation, en Afrique, en Amérique du sud et dans l'ensemble du sud-est asiatique. En Inde, il y
a le grand parti du Congrès.
Une internationale démocrate est en voie de formation.
C'est bien souvent cette famille, dont nous sommes en France les représentants, qui fait bouger le monde. Barack Obama est démocrate. Nous formons
beaucoup d'espoir dans son programme de changements pour les Etats-Unis.
Un monde équilibré
Nous pensons qu'il doit y avoir dans le monde un
certain équilibre de la puissance, au moins un réel équilibre diplomatique. Nous ne voulons pas d'un monde qui serait dominé, peut-être exploité par un, deux ou trois « empires » dirigés par des superpuissances. L'histoire nous a appris
que le colonialisme, même porté (sincèrement ou pas) par de bonnes intentions, est une atteinte à la dignité des
hommes. Il s’en met en place une nouvelle forme qui repose sur la domination économique.
Nous voulons voir à la table des grandes affaires du monde, dans un respect mutuel, les
grands pays de la planète, comme les États-Unis, la Chine, la Russie, peut-être l'Inde et le Brésil, et
des unions de pays ayant des intérêts communs comme l’Europe et d'autres unions régionales.
Nous refusons l'idée qu'il y ait un « occident », un seul occident, et que tout le monde, dans l'occident, ait, au fond, les mêmes valeurs, les mêmes principes, les mêmes choix stratégiques. Cette idée fausse est porteuse de très grands risques. Nous
souhaitons que la France reste, et que l'Europe devienne, porteuses d'une identité qui, précisément, aux yeux du reste du monde ne soit pas exactement cet occident unique. Nous concevons l'occident comme pluraliste, comme équilibré, comme addition d'indépendances et certainement pas
comme un tout homogène qui se dresse contre le reste de la planète. Nous prônons les rapprochements
interrégionaux, que ce soit au sein de l'Union pour la Méditerranée, qui doit rapidement être dotée d’un véritable budget, l'Organisation Internationale de
la Francophonie ou l'Organisation de l'Alliance des Civilisations.
Une réorganisation des instances internationales
De façon générale, le dispositif institutionnel doit être simplifié pour permettre à tous les pays de participer aux décisions qui les concernent.
Le FMI et la Banque Mondiale doivent voir leur gouvernance modifiée
pour donner un poids plus grand aux pays émergents et en développement et pour renforcer leurs pouvoirs respectifs. Celui du FMI pour coordonner les politiques macroéconomiques et
celui de la Banque mondiale pour assurer l’aide au développement.
Enfin, la prégnance croissante des défis environnementaux impose la création d'une organisation mondiale de l'environnement de plein
exercice.