Jean-François Martins, conseiller de Paris, co-signe sur Mediapart une tribune transpartisane pour dénoncer "la radicalisation" des opposants au mariage pour tous et "refuser sur les listes aux municipales la présence de ces éléments".
Cette tribune publiée par Mediapart est co-signée par Aurore Bergé (UMP), Joshua Adel (PS) et Jean-François Martins (MoDem). Vous pouvez également la lire et la commenter sur le site internet de Mediapart.
"La République est assiégée par les loups !" Pour exaltée qu’elle paraisse, cette crainte est aujourd’hui dans toutes les têtes. D’aucuns, parmi les plus anciens, les plus raisonnables ou les mieux installés dans le système, nous reprocheront là un accès de grandiloquence lié à notre jeunesse militante qui, au moindre coup de force, se croit en "résistance" ou se prend à rêver des barricades.
On connaît l’histoire de l’enfant qui criait au loup. Il y a onze ans, au soir d’un 21-Avril resté comme une tentative de suicide de la démocratie, le loup est vraiment venu. Jean-Marie Le Pen, candidat du FN héritier du régime de Vichy et de l’Algérie française, se qualifiait légalement pour le second tour de l’élection présidentielle. Jacques Chirac avait alors refusé le débat d’entre-deux-tours : on ne discute pas recettes de cuisine avec un anthropophage.
Le même esprit de "front républicain" nous guide aujourd’hui face à la radicalisation de la "Manif pour tous" et à la structuration d’une extrême droite en ballerines, sous-entendu respectable, à travers le "Printemps Français".
Le "mariage pour tous" est une conquête, celle de l’égalité des droits. Une conquête de la République qui donne à tous ses citoyens les mêmes droits, accorde à tous ses enfants les mêmes protections.
On peut marcher pour l’égalité des droits, on ne peut pas marcher contre.
On peut manifester, on ne peut tolérer ceux pour qui la haine de l’autre, pour ce qu’il est, conduit à tabasser des homosexuels, à intimider des ministres, des élus et des journalistes. On ne peut appeler au "sang" et à la "guerre civile", on ne peut attaquer les forces de l’ordre aux cris de "CRS SS".
On peut demander des clarifications nettes sur la PMA et la GPA, on ne peut citer "les lois naturelles" qui nous commanderaient et excluraient alors des millions de Français du fait de leur orientation sexuelle.
On peut s’opposer, pied à pied, dans l’hémicycle, dénoncer l’accélération du calendrier, on ne peut parler de "coup d’État" ou considérer que le "pays légal" est illégitime, ou alors la politique est morte.
Nous avons en partage un héritage commun qui nous oblige, celui du Conseil national de la Résistance et de la Libération. Nous avons Jaurès, Mendès France et de Gaulle, et non la gauche, le centre ou la droite.
Nous avons la République.
Face aux débordements, le gouvernement doit rétablir l’ordre républicain, sans ambiguïté. La "Manif pour tous" a le droit de manifester dans la rue, mais pas de verser dans la violence. L’action de la police républicaine ne suffira pas à apaiser le pays ; cette bataille se joue sur le terrain des valeurs. En laissant au « Printemps Français » le soin de prendre la rue et d’y rester, d’occuper le terrain médiatique et les esprits, nos états-majors politiques portent une lourde responsabilité dans ce climat délétère. L’allusion aux "années 1930" est sur toutes les lèvres, bien qu’elle soit exagérée sur le plan historique. Nous avons plutôt en tête le contexte où Marc Bloch, historien et Résistant, écrivait L’Étrange défaite à l’été 1940:"Les ressorts profonds de notre peuple sont intacts et prêts à rebondir". Les raisons d’un sursaut démocratique sont en nous-mêmes.
Nous en sommes là.
Dans la continuité du combat des "fils de 1789" contre les fils des "fauteurs de Contre-Révolution", dont parle Clemenceau dans un discours mémorable à la Chambre : "La Révolution est un bloc indivisible". Nous sommes restés les mêmes, nos ennemis - ceux de la République et de la démocratie - n’ont pas changé.
Nous militons chacun dans des formations politiques s’affrontant sans concession. Mais nous faisons aujourd’hui le choix de dépasser nos clivages partisans pour fédérer nos forces sur l’essentiel : fille de la Révolution française, la République a conquis sa légalité dans la rue ; elle doit retrouver sa légitimité dans la rue face à ceux qui la défient et se voient comme le "pays réel". Nous devons tirer toutes les conséquences politiques légitimes des collusions auxquelles nous assistons entre certaines franges de la droite extrême et l’extrême droite radical-chic de Marine et Marion Le Pen. À ce titre, l’appel de Frigide Barjot à présenter des candidats "Manif pour tous" aux municipales confirme nos craintes et nos analyses. Il en va de même pour toutes les formations à l’extrême gauche adhérant à la violence et pour les partis régionalistes qui auront à se présenter aux suffrages des Français aux élections municipales de mars 2014. Nous appelons les candidats républicains de nos partis à refuser sur leurs listes aux municipales des éléments issus des "Manif pour tous" et du Printemps Français, ainsi que les éléments issus de groupuscules révolutionnaires à l’extrême gauche.
La République aura probablement le dernier mot dans cette histoire. Mais rien n’est certain. Elle pourrait vaciller faute de républicains prompts à la défendre. Dans l’hémicycle comme dans la rue.
Cette tribune publiée par Mediapart est co-signée par Aurore Bergé (UMP), Joshua Adel (PS) et Jean-François Martins (MoDem). Vous pouvez également la lire et la commenter sur le site internet de Mediapart. Pour aller plus loin : le blog de Jean-François Martins, conseiller de Paris.