
Survivre, dit-il. "Ces dernières semaines n'ont pas été les plus agréables de ma vie, confie François Bayrou au JDD. Une fois passé le moment de choc, j'ai compris que j'avais
l'énergie vitale pour surmonter ce coup dur. Ce seront peut-être les semaines les plus utiles de ma vie, à condition que je me remette en cause." Quand on lui fait remarquer que ce n'est guère
dans sa nature, le centriste sourit: "Je ne vais pas être dans le mea culpa, mais je vais changer."
Et comment? Bayrou dresse le portrait du politique qu'il aimerait tant devenir: "Je vais être au-dessus de la mêlée, moins bagarreur et, si je peux, si j'y arrive, je vais me contraindre à
des cures de silence..." La seule chose qui ne bouge pas, c'est que, pour lui, tout passe encore par les livre. Samedi, en sortant du conseil national du MoDem, François Bayrou a posé sur
son bureau Vers un monde nouveau, de Robert Kennedy: un livre écorné d'avoir été trop feuilleté. "C'est un militant qui vient de me le donner, il m'a dit que c'était un bon
bouquin." Mieux vaut se ressourcer dans le rêve de l'Amérique des sixties que ressasser les provocs post-soixante-huitardes.
Il y a un mois, c'était une autre vieillerie qui trônait sur ce bureau: Le Grand Bazar, de Dany Cohn-Bendit, où l'écolo badinait sur la sexualité enfantine. C'est en lisant ce livre que
Bayrou a fait monter cette colère qui l'a perdu, en direct à la télévision. On ne chasse pas un échec si facilement. Bayrou ne cesse d'y penser. "Je n'ai pas vu le changement de climat. J'ai
cru que le malaise social se traduirait en vote de défiance, je me suis trompé, il s'est traduit par l'abstention." Et l'agrégé de lettres se rassure comme il peut, ajoutant dans une
comparaison qui en dit long sur ses ambitions toujours intactes: "Je viens de lire les Mémoires de Barack Obama, il y raconte sa campagne désastreuse dans l'Illinois. Il écrit:
'Tout ce qui pouvait mal tourner a mal tourné.' C'est exactement ce qui m'est arrivé.'"
"J'aurai le moment venu une explication avec Cohn-Bendit"
Tout a mal tourné, souvent de sa propre faute. Bayrou en convient: "Le succès de mon livre a tout submergé, il a écrasé la campagne, mais j'étais très content de faire un
best-seller. J'ai écrit dix livres, ils se sont tous bien vendus, mais je n'ai fait que deux best-sellers, Abus de pouvoir et Henri IV." François Bayrou ne s'en souvient pas
forcément, mais au temps lointain où ils étaient copains, c'est cette biographie d'Henri IV qu'il avait offerte à Cohn-Bendit pour son anniversaire.
C'était en l'an 2000, Bayrou avait dédicacé l'ouvrage "à Dany, cet autre roi libre". Aujourd'hui, ils ne se parlent plus. "J'aurai le moment venu une explication avec
Cohn-Bendit, affirme Bayrou, je ne sais pas quand, mais on se croisera." Certains autour de lui, à l'instar de Corinne Lepage, plaident pour un rapprochement avec Europe Ecologie.
Bayrou n'en est pas encore là. Il a apaisé son MoDem où fleurissaient les dissidences. Il va essayer de prendre de la hauteur, profiter de la collégialité qu'on lui réclame. "Nos six nouveaux
députés européens, Lepage, Goulard, Bennahmias... et même Jean-François Kahn, qui a laissé sa place, je les ai tous choisis en fonction de leur poids médiatique. Ils vont me relayer." Et si
au fond Cohn- Bendit avait rendu service à Bayrou ?
leJDD.fr
06/07/09