Affaires et éthique politique
Quel rôle avez-vous joué pendant la campagne d'Edouard Balladur en 1994-1995?
J'étais ministre de l'éducation dans son gouvernement, et jeune président, depuis trois mois, de l'un des partis qui le soutenait, le CDS.
Vous étiez dans le comité politique de sa campagne. Avec Charles Pasqua, Philippe Léotard et Nicolas Sarkozy, vous faisiez partie de ceux qu'il voyait souvent: vous n'avez rien vu ou su du financement de cette campagne?
Je pensais que ces pratiques-là étaient celles des réseaux Chirac! Et je pensais que Balladur, c'était une tentative de sortir du chiraquisme et de ses pratiques. Sans doute certains signes, la présence du réseau Pasqua aurait pu et dû m'ouvrir les yeux, mais j'étais à mille lieues d'imaginer que des pratiques de cet ordre auraient pu s'installer chez les soutiens de Balladur. J'étais anti-RPR, j'étais engagé pour que précisément ces choses-là changent.
Comment réagissez-vous quand vous entendez Roland Dumas, à cette époque président du Conseil constitutionnel, expliquer que, contre l'avis des rapporteurs, il a tordu le bras aux autres membres du conseil constitutionnel pour valider des comptes invraisemblables?
Je l'ai dit il y a quelques mois lors de l'émission de Drucker, précisément à propos de cette décision incroyable du Conseil constitutionnel, en citant La Fontaine: «Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.» Les comptes de Chirac et de Balladur étaient, on le sait maintenant, signalés comme faux par les rapporteurs officiels, avec des éléments indiscutables.
Et dans la plus grande opacité, le Conseil constitutionnel, drapé dans sa vertu, décide d'ignorer les comptes signalés comme erronés des deux principaux candidats, mais il n'hésite pas le même jour et dans la même décision à condamner impitoyablement et à ruiner le plus petit des candidats: Jacques Cheminade. C'est exactement les «Animaux malades de la peste». C'est, par la plus haute autorité de notre pays, une décision qui a porté atteinte à l'équité la plus élémentaire.
Est-ce qu'il faut revoir les lois de financement des partis politiques?
Non, ce n'est pas la peine, il suffit de les respecter!
Est-ce qu'il faut renforcer la commission de contrôle de comptes de campagne?
Elle a déjà les pouvoirs nécessaires. Elle a les moyens d'exiger que l'on justifie la plus petite des factures et elle ne s'en prive pas. Et il n'est pas difficile de respecter la loi, dans sa lettre et dans son esprit. Dans le parti que je préside, pas un euro douteux n'est entré. Et on peut vivre. Notre budget est 10 fois moins important que le budget du PS et de l'UMP, on a un budget de 4 millions d'euros par an, et cela ne nous empêche pas de vivre, sobrement mais efficacement. Et de nous faire entendre.
Sur France Inter, interrogé sur les affaires et les possibles circulations de mallettes remplies de billets, vous déclariez: «Lorsque des propositions de cet ordre m'ont été faites, les porteurs de valises se souviendront assez longtemps des réponses qu'ils ont entendues.» Sans en dire plus. Vous refusez d'aller plus loin dans la dénonciation. Pourquoi?
J'ai dit les choses clairement ; quand des propositions vous sont faites, vous proposant des financements qui sortent du cadre de la loi, mais ne vous demandant bien entendu rien en échange, du moins provisoirement, quand on vous dit «Cher ami, nous pouvons vous aider», si vous refusez, au grand étonnement des tentateurs, si vous dites simplement non, il n'y a pas de délit.
Vous en dites trop ou pas assez...
J'ai dit exactement ce qu'il fallait dire. Les journalistes en face de moi m'objectaient que ces affirmations sorties dans la presse sur les financements occultes pouvaient être, après tout, des imputations sans réalité. J'ai répondu : «Non, excusez-moi, ce ne sont pas des imputations sans réalité.»J'ajoute que quand j'ai eu le sentiment que la sécurité du territoire était en jeu, j'ai immédiatement averti les services de l'Etat, et je leur ai communiqué les éléments en ma possession.