Le jackpot des autoroutes
Quand s'arrêteront-ils ? Après la hausse annoncée de 3,5 % en moyenne des tarifs d'assurance automobile,
d'autant plus choquante que le taux d'accidents ne cesse de diminuer, ainsi que celui du nombre de morts et de blessés, voici que les tarifs des péages d'autoroute augmentent de 2,24 % à compter
de mardi prochain, 1er février. Soit 1,92 % de hausse qui tombera dans la caisse des sociétés d'autoroutes et 0,32 % liés à une taxe prétendument écologique visant à faire payer par les
automobilistes le maintien en service des lignes ferroviaires déficitaires.
Derrière le montant « moyen » de
2,24 %, alors que le taux d'inflation 2010 a été de 1,6 %, se masque une réalité sournoise : les augmentations de tarif sont, bien entendu, beaucoup plus élevées sur les axes de grande
circulation que sur les liaisons secondaires. Les compagnies d'autoroutes forcent là où il y a un fort trafic et lèvent le pied là où les automobilistes, dindons de la farce, sont rares. C'est
ainsi que les tarifs de la société Area (Rhône-Alpes) augmenteront de 2,08 % et ceux de l'APRR (Paris-Rhin-Rhône) de 2,12 %, bien au-dessus de la moyenne théorique de 1,92 %. Année après année,
cette politique tarifaire conçue par les compagnies d'autoroutes, dans leur seul intérêt, a ainsi conduit à des disparités territoriales considérables.
Au total, depuis l'an 2000, les tarifs des péages ont augmenté de plus de 20 %, ce qui permet aux sociétés
d'autoroutes d'accumuler les bénéfices. Elles ont réalisé plus de 1 milliard d'euros de profit en 2010. Tandis que le budget péage est devenu rédhibitoire pour de nombreux automobilistes : sur de
nombreuses liaisons, il est plus élevé que le budget carburant ! Nous avons comparé, sur la carte ci-contre, le montant futur des péages et le coût en carburant sur un même trajet. Résultat : sur
Paris-Bordeaux, le diesel coûte 41 €, le péage 52 ! Idem sur Grenoble-Nice, où un automobiliste déboursera en moyenne 32,40 €, quand le péage lui en coûtera 40.
Ces hausses massives des péages autoroutiers commencent ainsi à poser des problèmes de sécurité routière :
incapables de les payer, un nombre croissant d'automobilistes se résolvent à reprendre les routes nationales, que l'on sait beaucoup plus dangereuses.
Président de l'Association française des sociétés d'autoroutes et patron partant du groupe Eiffage,
Jean-François Roverato a expliqué cette nouvelle hausse par la taxe ferroviaire. « Nous sommes des
collecteurs d'impôt à notre corps défendant », a-t-il affirmé. Sans doute, mais rien d'autre que la rapacité des compagnies d'autoroutes n'explique réellement une hausse des tarifs de
péage supérieure à l'inflation. « Elle n'est justifiée
ni par l'amélioration des services ni par le développement des infrastructures ou l'entretien, affirme Daniel Dechaux, président de l'association 40 millions d'automobilistes
: le
résultat net des sociétés d'autoroutes leur permet très largement de supporter cette augmentation sans avoir à la répercuter. »
D'autant que le développement du télépéage permet d'importants gains de productivité en limitant la quantité
de personnel aux guichets. Des économies sont réalisées partout. C'est ainsi que le réseau Autoroute
FM (fréquence 107,7) s'est réduit comme peau de chagrin et donne désormais une information très diluée. L'entretien des voies de circulation est assuré dans des conditions de moins en
moins respectueuses des automobilistes (travaux planifiés de jour et non de nuit, restrictions permanentes de circulation sur une file génératrices d'embouteillages, etc.). En en faisant le
minimum et en encaissant toujours plus, les sociétés d'autoroutes bénéficient ainsi d'une véritable rente de situation.
Une rente de situation que François Bayrou avait qualifiée de « scandaleuse» en 2005. Il s'était alors violemment opposé à la décision du gouvernement Villepin de privatiser « en catimini » les sociétés d'autoroutes appartenant encore au domaine public et avait été jusqu'à déposer un recours devant le Conseil d'Etat. Il voyait dans cette démarche qui consiste à privatiser les profits futurs « une quintessence du mal français ». Difficile, a posteriori, de lui donner tort.
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