François Bayrou à 12 ans (1/4)
Nous sommes le 25 mai 1963. François a 12 ans. L'agenda de Calixte Bayrou, agriculteur, et de son épouse Emma, témoigne d'une année sans catastrophe sur la propriété de 10 hectares. 2 096 francs de veaux, 3 640 francs de tabac et une pouliche vendue 3 500 francs. Ce qui donne 9 100 francs de chiffre d'affaires. Ils ne sont pas pauvres. Ils vivent sans argent.
Une pouliche ? Les Bayrou ont toujours eu deux ou trois juments poulinières. Certains jouent à la loterie. Eux parient sur un ou deux poulains par an. Un jour, un crack viendra. Deux ans avant que François naisse, l'un d'eux a gagné le Grand Prix de Marseille.
Calixte a été maire de Bordères, 303 habitants, de 1947 à 1953. En 1953, une voix lui a manqué au premier tour. Il a considéré qu'il n'avait plus la confiance. Personne ne l'a jamais revu à une élection. Idéaliste et exigeant, il est devenu père à l'âge de 42 ans. Chaque jour que Dieu fait, il a devant lui la merveille des merveilles : François et sa sœur Lucienne, d'un an sa cadette.
François suit pas à pas cet homme rare, sensible, autodidacte, bienveillant envers la nature humaine, qui pense que Marcel Pagnol est un remède à l'éreintement. C'est un intellectuel qui remue la vie à mains nues. La maison sent l'écriture. Le repas des Bayrou offre une scène saisissante. Chacun mange avec son livre. Emma, tous les lundis, emprunte cinq romans à la bibliothèque de Nay, le chef-lieu de canton, à 5 kilomètres.
L'un des frères de Calixte est polytechnicien, la petite sœur est médecin. Sans compter Eugène, le mécanicien génial de Bordères. François conduit le tracteur, fane, laboure, escorte les vaches sur son vélo vert, ou à cheval. Certes, il joue aux billes, au foot, au rugby, sprinte aux courses cyclistes. Mais une nécessité intérieure le brûle : il doit lire, en tous lieux.
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