Institutions et gouvernance
Quelle est l'urgence en matière de réforme institutionnelle, sur la pratique des pouvoirs, la présidentialisation, les problèmes de corruption, de financement?
L'urgence, c'est Montesquieu: la séparation des pouvoirs. On rétablit en France un parlement digne de ce nom, une justice indépendante, une presse qui ne soit pas sous influence directe du pouvoir.
Vous voulez parler d'un parquet indépendant?
Il faut une politique pénale, définie nationalement, et pas l'arbitraire. Le parquet doit donc être coordonné par une autorité, celle du ministre de la justice. Mais le ministre de la justice ne devrait pas être un membre du gouvernement comme les autres. Il devrait être confirmé par un accord au-dessus des partis, investi par le parlement à une majorité qui implique accord de l'opposition. Il devrait en contrepartie pouvoir faire l'objet d'une censure particulière. Là est l'instauration de la justice en tant que pouvoir reconnu par la constitution avec sa propre légitimité.
Deuxièmement, il faut rompre un certain nombre de dépendances économiques qui soumettent la presse à bien des influences économiques ou politiques. Cela veut dire qu'il faut traiter franchement de l'équilibre économique de la presse écrite. Pour moi cela doit se faire par la mise en place d'un fonds de financement indépendant alimenté par une taxe ad hoc, très faible dans son montant, par exemple sur l'économie numérique ou la pub... Ça ne coute pas très cher et c'est vital.
Troisièmement, il faut une loi électorale qui permette de rompre le lien de dépendance entre députés et exécutif.
En inversant le calendrier électoral?
Non, car ce serait entériner le bipartisme. Il est légitime et justifié que l'élection présidentielle, la seule où l'on peut changer le paysage politique, précède l'élection législative. Mais il faut une loi électorale juste. Cela peut se faire par l'introduction de la proportionnelle sur une partie des sièges: 4 sièges sur 5 au scrutin majoritaire, et 1 sur 5 à la proportionnelle correctrice. C'est à peu près le système allemand, qui donne au citoyen le pouvoir de choisir son élu, et qui donne leur place légitime à tous les courants d'opinion dès lors qu'ils atteignent 5 % des voix.
A propos du Parlement: d'après le site de l'Assemblée nationale, vous n'avez pas posé de question depuis février 2008. Vous n'avez fait aucune proposition de loi, vous n'êtes l'auteur d'aucun rapport, la dernière séance publique lors de laquelle vous êtes intervenu remonte à mars, si on excepte celle de ce mercredi 12 octobre, et votre dernière intervention en commission remonte à août 2008.
J'ai précisément posé une question importante sur la crise en zone euro cet après-midi même. Mais je suis un non-inscrit. Il n'y a pas de temps de parole pour les non-inscrits. C'est d'ailleurs une très grande injustice, contre laquelle les six députés non-inscrits protestent à chaque session.
Si, il y a un temps de parole pour les non-inscrits.
Non. Il y a une question tous les trois mois. Mais il est vrai que comme tous les leaders nationaux, je parle peu à l'Assemblée ayant heureusement la possibilité de participer au débat directement devant les Français. C'est exactement la situation qui fut celle de Nicolas Sarkozy, qui est celle de François Hollande... Quant à Martine Aubry ou Ségolène Royal, elles ne sont même pas membres de l'Assemblée. Cela montre bien que le rôle de l'Assemblée nationale est désormais très diminué.
Hors temps législatif programmé, vous pouvez pourtant vous exprimer à votre guise.
Je ne trouve pas que l'Assemblée nationale serve à quoi que ce soit.
Alors pourquoi êtes-vous député?
Pour représenter mes concitoyens pyrénéens, et défendre un courant de pensée qui autrement ne trouverait pas de place dans le débat national. Si je n'étais pas là, les 20 % de voix qui ont voté pour moi en 2007 n'auraient pas de représentation au Parlement. Or ils ont le droit, autant et plus que beaucoup d'autres, d'être représentés sur ces bancs.
Vous ne pouvez pas dire que vous voulez être élu et dire que l'Assemblée ne sert à rien...
Vous ne comprenez pas que l'Assemblée nationale ne sert à rien? Que le législatif est asservi à l'exécutif? Que les députés votent au claquement de doigts? Il faut que vous ouvriez les yeux et que vous appreniez à voir que la France n'est pas une démocratie de plein exercice. Si vous réfléchissez à ça, vous verrez qu'on a un problème : le parlement n'est plus un creuset de la démocratie.
Depuis quand?
Depuis la Ve République, sauf en 1986-88 parce qu'on était à la proportionnelle: il y avait Le Pen et des communistes à la tribune, un groupe important du centre, c'est-à-dire qu'il y avait une vie démocratique non contrainte.