2- Il y a donc une conséquence directe à cette défense du centre : c’est la défense et la promotion du pluralisme contre la bipolarisation.
3- certains disent que « droite » et « gauche », ça ne veut plus rien dire. Je ne suis pas de cet avis. Je sais que beaucoup de femmes et d’hommes se trouvent de « droite » ou de « gauche
», pour ainsi dire de famille ou de fondation. C’est leur identité et la nier, c’est les blesser. Il y a une génétique politique de « droite » : la liberté mais l’ordre, la justification
des inégalités par le mérite, une espèce de darwinisme social, la nation. Il y a une génétique politique de « gauche » : l’émancipation par rapport à la tradition, l’idée que l’homme est de
lui-même le maître, la place accordée non pas seulement au Droit mais aux droits, et l’égalité non pas des chances mais des droits, l’internationalisme. Simplement ces deux génétiques
politiques ne s’appliquent pas à tous les citoyens !
4- Beaucoup de citoyens ne se reconnaissent pas dans ce duo. Par exemple, face à nation et à internationalisme, ils ressentent le besoin d’Europe pour dépasser cet affrontement d’un autre
temps et peut-être assumer en même temps l’amour de la nation et le besoin d’universel. Par exemple, droite et gauche, traditionnellement, ont une égale vénération pour l’État, l’État qui
commande pour la droite, l’État qui pourvoit pour la gauche. Beaucoup de citoyens, au contraire, pensent que l’État tout puissant est un leurre, et que la société devrait être plus forte,
plus décentralisée, vers les collectivités locales, les entreprises, les associations et l’État plus stratège, plus respecté, plus recentré.
5- Et puis il y a beaucoup de citoyens qui reconnaissent en eux à la fois une part de gauche, une part de droite : par exemple une révolte contre la domination sociale et sa perpétuation,
et le respect du mérite ; par exemple, à la fois, le besoin d’émancipation et le besoin de tradition.
6- Dans l’arène politique, les propositions des deux camps qui prétendent incarner ces visions sont pauvres. Une immense majorité de citoyens ne s’y reconnaît plus et ressent comme
appauvrissant le débat confisqué entre ce qu’on appelle « droite », l’UMP au pouvoir autour de Nicolas Sarkozy, et la « gauche », principalement incarnée par le PS. Ils voient dans les
discours des uns et des autres deux impasses. Et ils attendent et veulent défendre un autre projet.
7- Dans l’action de l’UMP ils combattent : un projet de société où l’argent, la réussite matérielle, ont la place première ; les injustices assumées, injustices fiscales, symboliquement
incarnées par le bouclier fiscal, et sociales, salariés précarisés ; le manque de considération pour l’école et pour les valeurs qu’elle transmet ; les atteintes répétées à l’impartialité
de l’action publique ; la politique des clans, notamment dans les nominations ; l’attaque contre la séparation des pouvoirs, le législatif soumis à l’exécutif, et le judiciaire contesté
dans son indépendance ; le contrôle des médias, notamment des médias publics qui n’appartiennent pas à l’État, encore moins au pouvoir ; la confusion permanente entre intérêts publics et
intérêts privés.
8- Dans les réactions du PS, ils n’aiment pas : la contradiction constante entre les actes et les paroles ; la négation de la nécessité des réformes (par exemple sur le sujet des retraites)
; l’idée qu’il suffirait de faire payer les riches, ou les banques, pour les éviter ; le recours perpétuel à l’État, qui serait censé financer sans difficulté toute action providentielle ;
le dogme « dans l’opposition, on s’oppose, au pouvoir on s’adapte ».
9- Surtout, ils défendent un autre projet, qui n’est pas « entre » droite et gauche, mais « autre » que droite et gauche, qu’ils croient plus fort, plus équilibré et plus juste.
10- Ce projet, comme une maison bien construite, a des fondations : il veut une réforme de l’État, remis à sa vraie place et respecté comme tel, le retour choisi et voulu à l’équilibre des
finances publiques par le renoncement aux facilités des déficits en période de croissance, une réforme fiscale, la reconstruction des principes démocratiques de séparation et d’équilibre
des pouvoirs, le pluralisme et l’indépendance des médias. Il veut l’impartialité du pouvoir.
11- Ce projet promeut en même temps la liberté de création des entrepreneurs, la défense des entreprises, et un projet social qui donne à chacun de vrais droits. Il pense que non seulement
l’un n’est pas antinomique avec l’autre, mais que la reviviscence de l’économie est la garantie d’une action sociale qui ne mente pas.
12- Il hiérarchise les priorités : avant tout, concentration des volontés et des moyens pour l’école, l’université, la formation et la recherche, accompagnés de l’exigence de résultats
discutés et vérifiés par la nation ; reconquête contre vents et marées des productions industrielles ou agricoles disparues ou délocalisées, aussi bien que des productions d’avenir, et des
emplois qui les accompagnent, sans lesquels ni retraites, ni intégration, ni accueil des jeunes ne trouveront de réponse ; politique de protection de l’environnement naturel, dans le monde
et exemplairement chez nous, et définition d’un véritable « développement », « soutenable » et donc « durable » dans l’avenir, maîtrisant à la fois la consommation d’énergie, la production
d’énergies sans CO2, d’énergies renouvelables ; redéfinition de l’action de la France en Europe et dans le monde, au moment où l’Union est en crise et pire encore en cafouillis économique
et politique et où la rentrée dans l’OTAN nous a laissés sans différence, c’est à dire sans influence ; proposition, dans le concert des nations, d’une politique de co-développement
adressée au tiers-monde, et d’abord à l’Afrique qui passe par la lutte contre la corruption et la localisation des productions vivrières et industrielles.
13- Ce projet a pour caractère principal d’être cohérent, simple, compréhensible par tous. Il n’est pas une utopie, qui ne commencerait que lorsque les lendemains chanteraient. Il ne
renonce à aucune des ambitions françaises et européennes, notamment la défense de valeurs de société par l’indépendance assumée.
14- Caractère propre de ce projet, de cette attitude politique, en quoi elle est centrale. Elle se considère comme compatible, en termes de réflexion partagée, avec les autres grands
courants du champ républicain et démocratique français. Les autres excluent. Nous nous croyons qu’au moment de l’histoire où nous sommes, la rupture dans l’histoire est si brutale et les
dangers si nombreux, le changement profond si nécessaire qu’il faut associer plutôt que dissocier, rassembler plutôt qu’exclure. C’est ce que notre pays a fait au moment, qui est une
référence pour nous, du Conseil national de la Résistance.
15- Cette ouverture, au sens propre du terme, elle se nourrit de la certitude que bien des courants, aujourd’hui au PS, ou à l’UMP, partagent l’essentiel des valeurs que nous défendons.
Simplement nous savons bien, il suffit d’ouvrir les yeux pour le constater, que chacun de ces courants est minoritaire dans son camp, et donc au bout du compte sans influence. C’est un
courant majoritaire dans la société française, dont chacun des tronçons est minoritaire dans son propre camp. Il y a donc à défendre sa cohérence une nécessité stratégique autant que morale
et intellectuelle.
16- Les deux adjectifs « non géographiques » qui désignent le mieux cette politique sont « démocrate » en référence au grand courant progressiste et réformiste, (auquel nous appartenons et
qui allie le puissant courant démocrate américain, l’immense parti du congrès en Inde, le parti du nouveau premier ministre japonais), et « républicain », en référence à notre histoire
nationale. Les deux disent la même chose : ce n’est pas la fatalité qui mène le monde, ce n’est pas la puissance, particulièrement pas la puissance financière, ce doit être le Droit et la
volonté des citoyens qui veulent que le progrès soit aussi le progrès moral.
Mardi 8 Juin 2010