Et pourtant, il survit. Les élections municipales vont certes constituer de nouveau une rude épreuve pour le président fondateur du Modem. On constatera que la plupart des grosses mairies
détenues par l’UDF s’ancrent dans le giron de la majorité. Le Modem présentera bien au premier tour le plus grand nombre possible de listes indépendantes, mais au second tour il devra renoncer
ou s’allier, dans la plupart des cas, avec la droite, plus rarement avec la gauche, mais toujours avec déchirement et mauvaise conscience. Pour un nouveau parti, comme veut l’être le Modem, les
élections municipales sont les plus difficiles de toutes. Pour une formation centriste qui veut devenir centrale, l’épreuve tourne au cauchemar. La seule espérance sérieuse de François Bayrou
est de l’emporter lui-même à Pau. Pour le reste, il est condamné d’avance à brouiller son image, faute de ligne unique, et à présenter un bilan calamiteux le 16 mars, soir du second tour
des élections locales. Le 17 au matin, il apparaîtra plus esseulé que jamais. Il en faudrait cependant plus pour le décourager et pour l’abattre. François Bayrou croit en lui-même avec cette
ferveur quasi religieuse qui le caractérise et qu’il partage d’ailleurs, ce n’est pas un hasard, avec Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Le président du Modem a toujours cru en son étoile et à
une sorte de prédestination présidentielle. Ce n’est pas seulement de l’ambition ou de la passion mais un sentiment étrange, aux limites du mystique et du politique. On peut en rire - cela vaut
aussi pour ses deux rivaux - mais pas l’ignorer puisque c’est justement ce qui lui donne la force de supporter les lâchages successifs et d’aborder sans crainte une inéluctable traversée du
désert de quatre ans. Son caractère très personnel - orgueil et égotisme - contribue naturellement à éclaircir les rangs autour de lui, mais les Béarnais ont toujours été pauvres, minoritaires,
durs au mal, entreprenants, individualistes et fiers. Bayrou est un vrai Béarnais.
Il possède d’ailleurs plus d’atouts qu’on ne lui en reconnaît généralement. Six mois après l’élection présidentielle, il conserve une popularité enviable qui le maintient dans le trio de tête
des politiques les plus appréciés. Avec le Modem, il dispose d’un parti de militants, indispensable pour l’élection présidentielle. Durant la campagne 2006-2007, et surtout entre janvier et
avril dernier, il a été le candidat dont la marge de progression fût la plus spectaculaire. Il a obtenu des scores brillants chez les jeunes, chez les enseignants, dans les professions de santé
et chez ceux qui ont fait des études supérieures. Il a certes profité des craintes inspirées par Nicolas Sarkozy en raison de ses choix et par Ségolène Royal en raison de son flou.
Il n’a pas hésité lui-même, comme ses deux concurrents, à recourir aux armes du populisme et de l’imprécation artificielle. Ce lecteur de Pascal n’a pas mené une campagne janséniste. Il n’en a
pas moins acquis, durablement, une stature de présidentiable et une image d’indépendance. Il a critiqué Nicolas Sarkozy aussi férocement que méthodiquement, et il continue à le faire. Son
principal adversaire réside décidément au palais de l’Elysée. Il n’a pas ménagé non plus Ségolène Royal et a refusé catégoriquement toute alliance avec elle, à commencer par le poste de Premier
ministre qu’elle lui offrait entre les deux tours dans des conditions rocambolesques. En fait, son pari est que le Parti socialiste ne parviendra pas à se rénover, qu’il lui faut donc
apparaître comme l’opposant le plus efficace à Nicolas Sarkozy afin de devancer en 2012 le ou la candidate du PS, puis d’attirer ses voix pour battre Nicolas Sarkozy. Une stratégie téméraire
mais pas totalement chimérique.
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