Constats :
D’un côté, l’Île de France a la chance de disposer du réseau de transport ferré le plus dense au monde. Mais, revers de la médaille, ce réseau est pour une grande part, vétuste, hautement saturé aux heures de pointe, et distribué en étoile à partir de Paris, le rendant de moins en moins adapté aux déplacements actuels, notamment de banlieue à banlieue…
En détail, les métros et RER, c’est 1820 kilomètres de voies ferrées, 736 gares, 7 millions de trajets par jour, dont 4 millions par le métro qui transporte 48 personnes par seconde. C’est également un million de voyageurs transportés entre 6 heures et 10 heures, soit 36 % du trafic quotidien. On retrouve le même chiffre entre 16 heures et 20 heures. 70% des trajets, tous transports compris, se font de banlieue à banlieue, obligeant les franciliens, en particulier les plus éloignés du centre, à utiliser leur voiture. Ainsi, 29% des habitants de grande couronne utilisent les transports en commun contre 45% en petite couronne.
Ces statistiques expliquent les résultats du sondage réalisé en octobre 2014 : ainsi, si 73% des parisiens ont une opinion favorable de leurs transports en commun, le score baisse au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la capitale, avec des pourcentages inférieurs à 50% dans la grande couronne.
Les motifs d’insatisfaction :
- Le réseau est inadapté aux besoins et aux déplacements d’aujourd’hui. Son organisation en étoile a des impacts négatifs pour le développement économique et urbain des territoires les plus éloignés, comme pour les habitants : 10% des utilisateurs du métro passent par Paris pour aller d’une banlieue à l’autre.
- Une intermodalité peu développée : par exemple, les parkings relais (voiture, deux-roues, vélos) aux abords des gares de grande couronne, voire de première couronne, sont trop rares.
- Une carence en transports en commun en grande couronne (5 millions d’habitants, soit 40% des franciliens) que le réseau Grand Paris Express ne prévoit pas de combler. 40% de la population d'Île de France soit 5 millions d'habitants ne sera en rien concernée puisque le réseau ne fera qu'effleurer les quatre départements périphériques. C'est pourtant en grande couronne que l'on constate la hausse la plus forte des déplacements : plus 70% de 2001 à 2010 alors qu'elle est en baisse à Paris et en faible croissance en petite couronne.
- La fiabilité du réseau est mise à mal. La dégradation continue touche une partie de plus en plus importante des 8,5 millions d'usagers quotidiens : 5 annulations et retards sont fréquents et ont des causes objectives, à savoir la vétusté de l'infrastructure des RER qui a contribué à augmenter les incidents de 40% de 2012 à 2013.
- Les lignes sont saturées. Aux heures de pointe, cette saturation touche particulièrement les lignes 4, 11 et 13 du métro. La ligne 13, également utilisée comme transit, souffre ainsi d'une surcharge de 20 %. Cette saturation concerne également le RER (ligne A et B), et le bus pour certaines lignes desservant les portes de Paris. Aucune amélioration n’est prévue sauf de façon très partielle pour la ligne 13 au nord, doublée par la ligne 14 en 2019 et la section centrale du RER A concernée par la prolongation de Eole de St Lazare à la Défense a la même date (en principe car les JO 2024 pourraient la faire passer en 2eme priorité!)
- L’information laisse à désirer notamment pour les RER. Dans l’ensemble, le traitement des passagers et leur information sont médiocres et aléatoires. La transparence n’est pas au rendez-vous pour qui voudrait évaluer sérieusement la qualité du service. Les statistiques sont incompréhensibles, les retards et pannes ne sont pas comptabilisés.
- Le réseau est peu sûr. L'Île-de-France concentre à elle seule 60 % de la délinquance commise dans les transports en commun en France. Plusieurs rapports et sondages viennent d’ailleurs souligner cette réalité. Ainsi, dans un rapport rendu le 16 avril 2015, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes indique que 100% des utilisatrices de transports en commun ont subi au moins une fois dans leur vie du harcèlement sexiste ou une agression sexuelle dans les transports en commun. Et selon un sondage de novembre 2014, 47% des usagers se sentiraient «souvent» ou «parfois» en insécurité dans les transports en commun.
- L’air du métro est pollué. D’après plusieurs études réalisées par l'Observatoire régional de santé (ORS) et AirParif, les particules fines présentes dans le métro seraient jusqu'à quatre fois plus présentes que sur le périphérique parisien. En roulant, et au cours du processus d'arrêt, les machines expulsent dans l'air des particules fines qui peuvent contenir des métaux lourds comme le fer. Le RER qui roule à 90 km/h, est donc bien plus pollué que le métro, indique-t-on à la RATP. En outre, en période de forte chaleur, rien n’est fait pour rafraîchir et ventiler suffisamment les rames et les couloirs des stations souterraines.
- Les décisions font l’impasse sur le réseau existant : le Grand Paris Express ainsi que le plan Etat-Région 2015-2020 vont mobiliser 43 milliards (dont 27 milliards pour le réseau du grand Paris Express) au profit de la création de nouvelles lignes et du prolongement de lignes existantes. Tout cela pour une amélioration partielle des conditions de transport en île de France qui n'assura, d'après la direction régionale de l'équipement, qu'un modeste report de l'ordre de 1% de la circulation 6 automobile vers les transports en commun. En réalité, il n’est prévu qu’un demi-milliard pour la modernisation des lignes. Consacrer la quasi-totalité des financements aux transports lourds ferrés rend impossible la réalisation conjointe de modes plus souples et adaptables que sont les métros légers, les trams-trains et trams, les bus en site propre à haute qualité de service. Or ce sont justement ces modes qui sont les mieux adaptés à la grande couronne à densité de population plus faible mais où va se concentrer la majorité de la croissance démographique et des déplacements dans l'avenir. Ajoutons qu'au niveau financier, les lourds emprunts contractés par la Société du Grand Paris devront être remboursés jusqu'en 2070 par les ressources fiscales propres (taxe sur les bureaux, taxe spéciale d'équipement) et ne pourront donc pas être affectées à d'autres projets pendant un demi-siècle!
L’amélioration de la qualité des transports en commun n’épuise évidemment pas le sujet de la mobilité des franciliens. On dénombre 41 millions de déplacements quotidiens, d’une portée moyenne de 4,4 kilomètres dont 70% hors de Paris. Seul un cinquième (8,3 millions) l’est en transport collectif (+ 21 % par rapport à 2001).
La préoccupation première c’est d’améliorer d’urgence les transports existants. Il faut également désenclaver la grande couronne parisienne, et les 157 zones urbaines sensibles souvent mal reliées aux zones d’emploi, avec des moyens de transports légers, tram-train ou bus en site propre. Les transports sont la clé d’une Île-de-France vivable et durable.
Propositions
Réorienter les priorités d’infrastructures lourdes :
La ligne 13 et le RER A dans sa section centrale sont les seules du réseau actuel ou, pour avoir un réel effet à moyen terme sur l'amélioration des conditions de transport, il est nécessaire de construire de nouvelles infrastructures. C’est pourquoi, nous engagerons en priorité :
- la désaturation en 2019 de la ligne 13 par la prolongation au nord de la ligne 14 jusqu'à Saint Denis -Pleyel et même jusqu'au Bourget en cas de JO2024 ;
- la prolongation d’Eole jusqu'à la Défense en 2020 pour doubler le tronçon central du RER A ;
- le lancement des travaux de la ligne 15 entre cité Descartes à Noisy et la Défense en commençant par les sections les plus utiles aux liaisons de banlieue à banlieue avec ouverture progressive à partir de 2020 ;
- l’extension du métro en banlieue proche de Paris. Les lignes de métro 4, 11,12 etc. seront prolongées en banlieue et les lignes les plus chargées seront progressivement transformées en lignes automatiques. Le système actuel de pilotage automatique sera modernisé pour devenir numérique ce qui aura comme conséquence de diminuer les intervalles de rames et de traiter ainsi certaines sections très utilisées.
Nous améliorerons l’existant pour des millions de voyageurs. Nous voulons réaliser un saut qualitatif dans la régularité, le confort et la sécurité des RER. Il s'agit de réaliser en 6 ans les dispositions prévues dans les schémas directeurs des 4 lignes A, B, C et D du Réseau Express Régional qui font partie du plan de mobilisation de la Région mais qui n'ont été qu'amorcées. Les millions de voyageurs concernés verront leurs conditions de transport transformées :
- par le déploiement de rames plus capacitaires, l'amélioration du confort par le renouvellement du matériel roulant avec des rames à 2 niveaux qui augmentent la capacité de 40% et permettront d'offrir des places assises dans la quasi-totalité des déplacements ;
- par le pilotage automatique des trains par les nouveaux pilotes numériques qui permettront au conducteur de limiter l'intervalle des passages des rames à 90 secondes ;
- par la remise en état des 10 lignes "le Transilien" de la SNCF, en y intégrant une modernisation complète de la signalisation qui permettra le pilotage automatique des trains. Ces travaux importants se dérouleront sur 2 mandatures mais amélioreront de façon considérable les conditions de déplacement de 2 millions de franciliens, notamment ceux de la grande couronne, non concernés par le projet actuel du Grand Paris.
- par l'installation de caméras de surveillance sur toutes les rames RER, (et son achèvement pour le métro).
- par la généralisation de portes anti-fraude.
- par la systématisation, lors du renouvellement des trains et métros, de la mise en service de rames en configuration « BOA » qui permet de naviguer d’un bout à l’autre du train.
Mais aussi :
- par la mise en place de système de ventilation accrue des rames et des stations souterraines, notamment durant les périodes de fortes chaleurs estivales ;
- par le développement dans les grandes stations de plus de services (commerces, postes, wifi, réseaux 3G et 4G, …) ;
- par l’amélioration significative des informations et signalétiques dans les stations et aux abords des stations : renforcement de l’information des voyageurs sur les incidents dès l’entrée dans la station, fléchage clair en sortie de station sur les stations de voisines de bus, vélib, autolib, taxi, et bientôt autopartage, …
Nous développerons de nouveaux modes de déplacements. A côté des infrastructures lourdes, il faut penser à de nouveaux modes de transport moins coûteux, plus agiles, assurant la couverture optimale des territoires non concernés par le Grand Paris Express et mal desservis par le réseau lourd existant.
En effet, depuis les années 2000 l'essentiel de la croissance des déplacements se fait en grande couronne qui n'est que marginalement concernée par le réseau du grand Paris. Des millions de franciliens demeurant en grande couronne sont les grands oubliés de la politique de transport de la Région. Nous voulons réduire cette inégalité et cette injustice.
La desserte et les déplacements en rocade entre les 4 départements de la grande couronne se feront par des bus à haute qualité de service circulant sur une nouvelle voie latérale construite sur l'emprise existante et réservée également aux taxis, véhicules électriques et covoiturage. Les bus à haute qualité de service sur site propre ont l'avantage de pouvoir être mis en œuvre très rapidement, de concerner l'ensemble de la région et de desservir en particulier les 154 zones urbaines sensibles qui sont souvent enclavées et mal reliées au zones d'emploi.
Nous procèderons à une homogénéisation et la généralisation des bus propres sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs nous devons nous demander s’il n’est pas économiquement absurde de desservir un secteur peu dense comme le plateau de Saclay en utilisant un métro automatique express pouvant transporter jusqu'a 400 000 voyageurs quotidiens quand le trafic escompté à long terme ne dépassera pas 50 000 usagers. Pour Saclay, ne vaut-il pas mieux amorcer le flux de déplacements par une technologie adaptée, puis passer au transport lourd quand cela deviendra nécessaire et non pas, comme le prévoit le projet actuel du Grand Paris, anticiper un effet de génération spontanée des emplois et de l'habitat autour de ses 57 gares. Les processus de développement de l'économie obéissent à des facteurs beaucoup plus complexes que la simple desserte par les transports surtout en rocade.
Nous voulons également développer des solutions de transports plus agiles :
- par la création d’un réseau express vélo régional permettant aux cyclistes de parcourir des longues distances avec un nombre aussi réduit que possible de ruptures ;
- par la création d’un benchmark « marche à pied » à destination des communes d’Île de France, listant et proposant les meilleures initiatives d’aménagements destination des piétons: parcours fléchés et plans intelligents (numériques), mobilier urbain, décorations de rue, sentiers urbains au travers des pâtés d’immeubles et cours intérieures …
- Par le développement des low-infrastructures, en associant les acteurs publics et privés en vue de généraliser sur toute la région l’autopartage et le co-voiturage qui demeurent encore aujourd’hui trop embryonnaires et expérimentaux ;
- par la mise en place de livrées uniques pour les bus et les taxis, comme cela existe dans la plupart des grandes métropoles mondiales, permettant aux voyageurs d’identifier plus facilement les modes de transport et la tarification qui y est appliquée.
- par le lancement, avec les employeurs d’Île de France, d’une réflexion sur la modulation des horaires de travail : décaler d’une ou deux heures les activités tertiaires des activités de commerce par exemple ;
- en portant la réflexion sur des espaces de télétravail via des tiers-lieux et espaces de coworking, notamment dans les gares : en Île-de-France, on estime à 500.000 le nombre de personnes habitant en grande couronne et dont le temps de trajet quotidien serait de 2h20 en moyenne. L’Île-de-France est la région française où la part des mobilités subies est la plus importante. Aux Pays-Bas le programme de télétravail, en place depuis quatre ans, a permis, de réduire le trafic de 8% et les congestions de 20% ;
- par la création de télé-centres de travail en partenariat avec des entreprises des secteurs privés et publics, qui permettra à davantage de franciliens de travailler près de leur domicile. Rentable pour les entreprises (coût des surfaces de bureaux moins élevé en grande couronne que dans Paris), cette solution est aussi bénéfique pour les salariés travaillant partiellement ou totalement dans ces conditions (moins de stress, moins de temps de transport), et favorable pour l’environnement (moins de déplacements routiers, moins de pollution) ;
- par le lancement d’un plan « numérique et mobilités » visant à déployer sur toute l’Île de France des solutions numériques au service des nouvelles pratiques qui permettent de réduire les mobilités contraintes : télétravail, visio-conférence, voiture partagée ou le co-voiturage.
Le financement :
Nous proposons, dans le cadre d'une enveloppe financière inchangée, un projet global concernant cette fois toute l'Île de France et dont les effets sur les conditions de transport seraient ressentis à la fin du prochain mandat par au moins 3 millions d'usagers et à terme par l'ensemble des usagers des transports collectifs qui devraient dépasser 10 millions à l'horizon 2030.
Le financement de notre programme est estimé à 19 milliards d'euros d'ici 2025, ce qui demande un doublement de l'effort actuel d'investissement. Il serait assuré par une dotation de l'Etat de 1 milliard dans le cadre des contrats de plan, par une contribution de 8 milliards de la région et des départements et un emprunt de 8 milliard de la SGP gagé par ses recettes fiscales (0,4 milliards par an) S'y ajouteraient bien entendu les autofinancements de la SNCF de RFF et de la RATP.
Pour éviter la concurrence entre la Région et la SGP, il sera nécessaire d'unifier la gouvernance financière en affectant les taxes dédiées et les financements de la région à un fond d'investissement « transport régional », géré à parité par l'Etat et la Région en prolongation de la procédure des contrats de plan.
Les infrastructures routières :
Sans créer un appel d'air pour les véhicules, et restant dans l’objectif d’un trafic routier en baisse en zone centrale, certaines améliorations du réseau routier sont nécessaires :
- en poursuivant la couverture des voies très circulées comme la partie sud-est du périphérique, en vue de dégager également du foncier pour le logement et améliorer les murs anti-bruit ;
- en transformant les anciennes nationales radiales, devenues à présent départementales, en boulevards urbains avec plantations d'alignement, voies de bus en site propre et pistes cyclables. Les ex-nationales 2, 3, 7 et 13 seraient aménagées en priorité. ;
- en éliminant la dizaine de secteurs où se produisent les plus gros embouteillages qui sont de grands émetteurs de particules fines ;
- en réservant les voies d’accès d’urgence aux heures de pointe aux véhicules transportant au moins deux passagers.
Une vision de long terme devra lier mobilités et urbanisme
Au-delà de ces propositions nous devons penser une vision de long terme, liant les mobilités de demain à l’urbanisme. L’urbanisme génère plus ou moins de mobilités. Les dernières décennies ont privilégié, à tort, un urbanisme sous la forme d’un zonage. Ici les commerces, là les logements, là-bas les bureaux et les entreprises, et plus loin encore les loisirs… le tout générant des mobilités contraintes de plus en plus denses et lourdes en nuisances (bouchons, perte de temps, incidence économique de cette perte de temps, pollution de l’air et atteinte à la santé, etc…). L’étalement urbain, le rééquilibrage Est-Ouest entre les emplois et les domiciles sont devenus des sujets d’actualité. Nous lancerons un chantier associant toutes les collectivités, l’Etat, les entreprises, les associations et les syndicats pour penser l’Île de France des trente prochaines années, une région capitale plus harmonieuse, moins engorgée, moins étouffée, plus agile et dynamique, accueillante et facile à vivre au quotidien. Des employés habitant près de leur lieu de travail, une activité économique répartie plus harmonieusement sur toute la région, le tout s’appuyant sur le dynamisme du numérique, de la recherche et de l’innovation.