Pourquoi Bayrou dit merci à Hollande
La rivalité Borloo-Morin et le virage à gauche de Hollande, autant de raisons pour François Bayrou d’afficher un visage ravi
François Bayrou pourrait reprendre à son compte une célèbre formule de Nicolas Sarkozy : « Avoir de la chance fait partie du talent ». Et bien ce week-end, le président du Modem a eu beaucoup de chances
D’un côté, la rentrée des centristes de la majorité n’a pas été un franc succès, dominée par la rivalité entre Jean-Louis Borloo et Hervé Morin. De l’autre, François Hollande a effectué un virage à gauche inattendu en proposant de récréer 70.000 postes dans l’Education nationale. Enfin, l’ombre des affaires qui plane à nouveau sur Dominique de Villepin avec les révélations de Robert Bourgi font aussi ses affaires, même s’il se défend de s’en réjouir.
Le plus important pour François Bayrou c’est le revirement de François Hollande. Voici comment il résume les choses :« Hollande, dit Bayrou avait l’image d’un homme de gauche réaliste et gestionnaire. Avec sa proposition de créer 70.000 postes, alors que nos finances publiques ne nous le permettent pas, sa ligne n’a plus de cohérence ». Or, poursuit-il « la cohérence est l’arme essentielle du discours politique ». D’ailleurs, un signe qui ne trompe pas, ce revirement a été également critiqué au sein du PS par Laurent Fabius ou Manuel Valls.
Pour retrouver un espace au centre, François Bayrou a besoin d’un candidat PS le plus ancré à gauche possible. Dominique Strauss-Kahn, avant ses ennuis new-yorkais, le privait totalement de cet espace. François Hollande, au profil plus social-démocrate que Martine Aubry, marche aussi sur ses plate-bandes.
Mais, primaire obligent, le député de la Corrèze doit envoyer des signaux à la base militante traditionnelle du PS. Alors le week-end prochain, lors des universités d’été du Modem, François
Bayrou ne va pas se priver de fustiger un PS incapable de s’adapter aux exigences de la crise.
Il croit également que la candidature Borloo est vouée à l’échec. Le risque pour François Bayrou c’était d’être coincé sur sa gauche par un candidat socialiste qui n’effraie pas le centre, et
sur sa droite par un Jean-Louis Borloo capable de ratisser large. Or, on a vu le week-end dernier qu’au sein même des centristes de la majorité, rien n’était réglé et qu’Hervé Morin ne
renonçait à rien. Quand un leader ne s’impose pas naturellement, difficile ensuite de créer une dynamique. Alors Bayrou n’en démord pas : ni Borloo, ni Morin ne seront sur la ligne de
départ de la présidentielle.
Reste Dominique de Villepin qui, peu ou prou, mord sur cet électorat centriste. Bayrou est prudent : il se garde bien de faire peser sur lui publiquement le soupçon des affaires. D’autant
que l’ancien Premier ministre dit plutôt du bien de lui en ce moment. Comme pour Hollande, il préfère se placer sur le terrain de la crédibilité présidentielle. Or, selon lui, en proposant un
revenu universel de 800 euros, Villepin a perdu cette crédibilité. C’est de ce jour-là, fait-il remarquer, que l’ancien Premier ministre a chuté dans les sondages.
François Bayrou, c’est vrai, a un talent fou pour peindre la réalité telle qu’il voudrait qu’elle soit, mais c’est vrai que ce week-end lui a donné quelques raisons d’espérer.
Rédacteur en chef des Echos.