Bayrou : et si c'était lui ...
Bayrou, le troisième homme
FRANZ-OLIVIER GIESBERT
Il y a aujourd'hui un moment Bayrou comme il y aura sans doute, dans les prochains mois, des moments Sarkozy ou Hollande. En attendant, la petite bête qui monte du Béarn n'a plus droit à la compassion de ses rivaux, encore moins à leurs sourires dédaigneux.
Pour sa troisième campagne présidentielle, François Bayrou n'a pas attendu les dernières semaines pour entrer dans la cour des grands. Il s'est d'ores et déjà installé comme l'un des maîtres du jeu.
Pourquoi ce phénomène ? Peut-être parce qu'il parle aux Français au lieu de leur servir, comme d'autres, des brouets qui ont fait leur temps. Sans doute parce qu'il a su, le premier, préempter deux grands thèmes que nos chers politiciens ont si longtemps occultés : un endettement irresponsable du pays et l'urgence de sa réindustrialisation. Sur ces deux points, il est désormais abondamment pillé par ses concurrents, qui, pour faire bon poids, se sont aussi approprié le "made in France". On ne peut exclure enfin que, devant l'épuisement général du système, les Français aient envie d'essayer autre chose.
Le centre n'est pourtant pas une idée neuve. Ni forcément grisante. Jean Lecanuet, qui fut le père spirituel de François Bayrou, me disait un jour : "J'ai raté ma vie politique parce qu'au lieu de faire carrière chez les socialistes ou chez les gaullistes je me suis acharné à faire vivre le centrisme, tâche qui consistait, pour l'essentiel, à tenter de rattraper les députés qui couraient sans cesse à la bonne soupe."
C'est ainsi que François Bayrou s'est retrouvé tout seul ou presque, loin des appareils et des nomenclatures, dans un isolement gaullien. Cette faiblesse est sans doute devenue sa force.
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