Electeurs démocrates, ne perdez pas espoir !
Commençons par dire à tous ceux qui ont voté pour les candidats du Mouvement démocrate, dimanche dernier, que le faible score des listes qu'il présentait ne
signifie pas qu'ils sont dans l'erreur. La vie politique est coutumière de ces passages brutaux de la cime aux abymes et... réciproquement. Se souvient-on que la candidate écologiste lors de la
présidentielle de 2007 n'avait recueilli que 1,5 % des suffrages alors que ses camarades d'aujourd'hui sont à 12,2 %, ce qui est d'ailleurs inférieur aux 16,2 % des européennes de l'an passé
?
Mais venons-en à l'essentiel, c'est-à-dire au message et à la stratégie politique. Pour beaucoup, l'absence de positionnement clair du MoDem dans le jeu des alliances de droite ou de gauche est
responsable de la forte baisse du potentiel électoral qu'avait recueilli François Bayrou en 2007. "Où êtes-vous finalement ?" ne cesse-t-on de nous dire. Eh bien nous sommes au centre, et nous y
restons. Face aux défis majeurs auxquels notre pays est confronté, il n'y a pas un camp qui, à lui tout seul, détienne la vérité, possède le catalogue des réformes à accomplir, et plus encore la
méthode pour les faire accepter. Réfléchir ainsi revient à privilégier des approches idéologiques qui sont des impasses, et, pire encore, des mensonges. Nicolas Sarkozy a commencé son quinquennat
avec des habits très libéraux et le voici apparemment devenu étatiste depuis que la gravité de la crise s'est fait sentir... Les socialistes, avec leurs seuls alliés d'Europe Ecologie et du Front
de gauche mettront-ils en avant leurs idées du passé, faites d'accroissement de la fiscalité, de centralisme étatiste, auxquels beaucoup d'entre eux ne croient plus réellement ? Tout cela
constitue autant d'incapacité à agir et d'énergie gaspillée.
Etre au centre, c'est sentir le besoin de dépasser les clivages archaïques à un moment où notre pays n'a pas d'autre choix. Cela ne signifie nullement détenir une
"troisième vérité, ni de droite ni de gauche". Soyons lucides, notre peuple est fatigué et collectivement déprimé, même si, heureusement, la vitalité individuelle reste grande dans la vie
quotidienne de chacun. Quant à l'Etat, il dispose de très peu de marge de manœuvre – notamment budgétaire – pour se transformer. Au Mouvement démocrate, nous pensons qu'il n'y a pas d'autre
solution que de privilégier l'écoute des personnes souffrant de la crise et concernées par les réformes et que d'être obsédé par l'exigence de justice sociale. C'est le contraire de ce que fait
le gouvernement aujourd'hui. Nous appelons cela le projet humaniste.
Nous pensons que les Français ne sont pas très loin de ce point de vue, même si cela ne les a pas conduits à nous apporter suffisamment leur suffrage. La très préoccupante abstention de dimanche
dernier est un rejet de la classe politique, qui nous inclut bien évidemment. Quant au vote de la minorité qui s'est exprimée, elle pourrait laisser croire à un retour de la bipolarisation
"droite-gauche" traditionnelle. Il faut être plus fin dans l'analyse. Il est devenu banal de voter pour un camp lors d'une élection, et pour le camp adverse à l'élection suivante. Ce zapping
électoral, que certains assimilent à du consumérisme politique, démontre, s'il le fallait, qu'il n'y a plus de vote d'appartenance, et constitue aussi, d'une certaine façon, une forme d'appel au
dépassement des clivages idéologiques.
L'autre cause supposée de notre échec serait l'obsession présidentielle de François Bayrou. Ne refusons pas d'en débattre, et allons ici aussi au fond des choses. Le Mouvement démocrate est né de
la percée que son leader a accomplie en 2007, rompant avec ce qui se faisait depuis plusieurs décennies. Il a libéré le centre de son asservissement à une droite dont on pouvait déjà pressentir
que, avec Nicolas Sarkozy, elle irait à rebours des avancées démocratiques et sociales indispensables pour redonner à notre peuple cohésion et confiance en lui-même. Reste que le jeu
institutionnel en France est aujourd'hui verrouillé. Il est fait pour cet affrontement destructeur de la gauche contre la droite.
L'essai qui a été marqué par François Bayrou lors de la dernière élection présidentielle ne pourra être transformé que par une autre élection présidentielle. Pour cela, il faudra cette fois-ci
construire de nouvelles alliances, qui devront à la fois s'atteler au fond des réformes à entreprendre, mais aussi à la forme de notre vie politique et de sa représentation démocratique. Chacun
sera mis face à ses responsabilités. Est-ce en s'appuyant sur les amis de M. Mélenchon que les socialistes pourront reconquérir le pouvoir ? Est-ce en restant sous le carcan étouffant d'une UMP
totalement sous contrôle présidentiel que les humanistes de centre droit pourront faire entendre leur voix ? Ces questions, nous les poserons le moment venu à tous les Français, dans la
transparence, et alors que les effets dévastateurs de la crise économique et sociale continueront à faire de très lourds dégâts, élargissant le rassemblement – espérons-nous – de ceux qui seront
prêts à penser et à agir autrement.
Ce n'est pas un pari. Même si ce choix est exigeant, pour tous les démocrates, c'est la seule voie à suivre.
Robert Rochefort, député européen, membre du bureau exécutif du Mouvement Démocrate.