Entretien de Bayrou à Ouest France
Le MoDem tient son université de rentrée, ce week-end, à Guidel (Morbihan). Son candidat malheureux à la présidentielle défend certaines réformes engagées et croit toujours à un centre allié d'une majorité réformiste.
Vous aviez annoncé qu'à titre personnel vous voteriez François Hollande. Vous le referiez ?
La France avait besoin d'alternance ! Le même parti était au pouvoir depuis dix ans et la situation du pays s'aggravait. De surcroît, les thèmes choisis par Nicolas Sarkozy étaient porteurs d'affrontements sur les sujets les plus brûlants. Si le président de la République, celui qui devrait rassembler, se met à exciter un pays en crise qui ne demande qu'à flamber, alors on va vers de graves accidents.
Et sur le fond ?
Ce qui est frappant, c'est le bouleversement que nous allons vivre : c'est la gauche qui va devoir expliquer au pays les réformes difficiles qu'il faut faire et auxquelles jusqu'alors elle s'opposait. François Hollande est aujourd'hui caricaturé. Mais les choix qu'il annonce, s'il les mène jusqu'au bout, seront de grande portée. Toutefois, il va être handicapé par deux éléments : il ne l'a pas annoncé aux Français pendant la campagne et il y a des incohérences entre des orientations justes et des décisions déraisonnables, comme de recruter 40 000 enseignants en une seule année, ou de trop faire appel à l'impôt.
Quel rôle vous verriez-vous jouer dans cette conversion de la gauche ?
Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la gauche, c'est notre pays. Il n'y a plus de gauche au sens unitaire du terme. Il y a une fracture entre la gauche qui choisit la dépense publique et récuse les réformes, et la gauche réformiste, celle que j'ai toujours appelée de mes voeux. De même qu'à droite, l'omniprésence des thèmes d'extrême droite fait qu'il n'y a plus une droite mais deux. Tout ceci va dans le sens de la nécessité d'une majorité réformiste pour soutenir une politique réformiste. J'y vois un espoir que je partage avec beaucoup de gens de l'Ouest.
Et l'initiative de Jean-Louis Borloo de fédérer le centre droit va-t-elle dans ce sens ?
J'ai une vision plus large et plus ambitieuse pour le centre. Le centre ne peut pas être d'un seul côté, autrement il n'est pas le centre. Car il est impossible de réaliser les réformes si on continue la guerre civile perpétuelle droite contre gauche. La vocation du centre est de dépasser cette caricature et de faire vivre ensemble des sensibilités différentes, plutôt de droite, plutôt de gauche, et aussi centrales.
Indépendance qui vous a conduit dans une impasse...
Ne nous laissons pas arrêter par des difficultés passagères. Si le centre veut peser, il faut qu'il soit uni et qu'il y ait tout le monde. Un grand courant politique se définit toujours par rapport à lui-même et pas par rapport aux autres.