Le financement complexe du Nouveau Centre
Un examen attentif des comptes de 2008 le montre : au-delà des postures de ses membres, le Nouveau Centre est loin d'être indépendant de l'UMP, dont il dépend beaucoup financièrement. Le parti d'Hervé Morin a reçu 200 000 euros de subventions du parti présidentiel en 2008, l'essentiel de son budget provenant en fait d'une subvention de 994 060 euros reçue de Fetia Api, parti... de Polynésie française.
Pour comprendre ce que vient faire cette petite formation tahitienne dans les comptes du Nouveau Centre, il faut remonter à 2007 et à la scission de l'UDF entre Modem de François Bayrou et Nouveau Centre d'Hervé Morin. La division se produit juste avant les élections législatives : le parti d'Hervé Morin aligne quatre-vingts candidats mais ses scores sont insuffisants pour obtenir une dotation de l'Etat, et ce malgré l'élection de dix-sept députés. Le parti échoue en effet à dépasser le seuil de 1 % des voix dans au moins cinquante circonscriptions, condition sine qua non pour avoir droit à une dotation de l'Etat – qui se compose d'un premier versement de 1,64 euro par suffrage obtenu, et d'une dotation supplémentaire de 44 394 euros par député.
L'OUTRE-MER AU SECOURS DES CENTRISTES
Le Nouveau Centre tente alors de faire modifier la loi sur le financement des partis, mais se heurte à l'opposition du PS et du Modem. Il change donc de stratégie et se tourne vers un volet méconnu de la loi, relatif à l'outre-mer. En effet, dans les TOM, il suffit de recueillir 1 % des voix sur l'ensemble des territoires pour avoir le droit à une dotation publique.
Avec ses 1 021 voix recueillies, le petit parti tahitien Fetia Api remplit cette première condition, mais, sans élu, ne peut prétendre à la deuxième dotation. Les deux formations forment donc une "joint venture", associant les voix de Fetia Api aux députés du Nouveau Centre. Un dispositif rentable pour les deux partis : il leur assure un total de 1 024 181 euros en 2008.
MONTAGE BISCORNU
Un montage légal, mais pour le moins biscornu. Au point que, comme le rappelle Rue89, le patron de Fetia Api, Philip Schyle, s'interrogait fin 2007 sur "la légalité de la procédure. Il n'y a pas de difficulté particulière, mais c'est vrai qu'au départ j'étais un peu rétif. Je trouvais bizarre qu'un parti national puisse être financé de cette manière".
Fetia Api se contente de la portion congrue : environ 30 000 euros, soit moins que les 40 000 euros donnés par le Nouveau Centre en 2008 au député du Tarn, Philippe Folliot, pour son mouvement Agir pour demain. Mais cette somme est bien supérieure aux 1 664 euros qu'il aurait reçus, sans l'alliance avec le parti centriste.
Restent donc 990 000 euros pour la formation d'Hervé Morin, auxquels s'ajoutent 75 625 euros de contributions d'adhérents, 44 178 euros de contributions d'élus et 37 815 euros de dons. Au total, le parti totalise donc 1,5 million d'euros de recettes, dont 90 % provenaient en 2008 des versements d'autres partis : Fetia Api et l'UMP.
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