Un bilan lourd
D'un point de vue tant sanitaire qu'économique ou écologique, les habitudes actuelles de transport sont remises en
question.
Sur le plan environnemental, les transports en France émettent 27 % des émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, et consomment 67 % des produits pétroliers
utilisés en France. En outre, l'extension des infrastructures routières se fait au dépens des terres fertiles agricoles. Elle nuit au déplacement de la faune sauvage à la circulation des
espèces sauvages sur le territoire et engendre une imperméabilisation des sols généralement irréversible.
Chaque année, 400 000 européens meurent prématurément du seul fait de la pollution atmosphérique. Les particules fines émises dans l'atmosphère sont particulièrement nocives et engendrent 100
000 hospitalisations par an. Le transport routier, et notamment l'usage de la voiture, sont parmi les premiers responsables. Les pertes économiques liées à la pollution atmosphérique sont
considérables. Une étude récemment menée aux Etats-Unis évalue entre 71 et 277 milliards de dollars (c'est à dire 0,7 à 2,8 % du PIB) les coûts totaux des atteintes dues aux seules émissions de
ces polluants atmosphériques. Sans compter les pertes engendrées par les embouteillages ou les accidents de la route.
Quant aux ménages, ils voient leur bourse fondre comme neige au soleil. Le transport est devenu leur deuxième poste de dépense. Ils y consacrent plus de 5000 euros par an, touchés de plein
fouet par la hausse du prix du pétrole qui a atteint 100 dollars le baril en ce début d'année. La voiture représente 80 % des dépenses. De fait, depuis deux ans, les Français commencent à la
laisser au garage. Pour la première fois depuis 1973, l'usage de la voiture a légèrement baissé depuis 2005 (moins 2 %).
Le constat s'impose : la mobilité doit être envisagée et proposée autrement. On ne peut laisser les enfants des villes souffrir d'asthme ou de bronchiolites sans réagir. On ne peut laisser les
habitants des campagnes, aujourd'hui entièrement dépendants de leur voiture, démunis face à la montée inexorable du cours du pétrole.
Mais comment changer ? Comment, quand on est une entreprise, s'approvisionner à l'heure et au lieu dit, sans le camion ? Comment, quand on est un particulier, faire ses courses, transporter les
enfants, se rendre à son travail, se détendre même, sans posséder de voiture ?
Changer la politique des transports : les municipalités au premier plan
Les principaux acteurs de ce changement sont les communes et les agglomérations de communes. Petite ou grande, une municipalité dispose en effet de leviers considérables : elle peut créer ou
soutenir des modes de transport plus respectueux de l’environnement, moins onéreux pour les ménages et plus pertinents pour l'économie locale et nationale : déplacements collectifs,
covoiturage, système de station de location de vélos, auto-partage...
L'usager serait le premier gagnant. Selon une étude récente menée par le Gart (Groupement des Autorités Responsables de Transports Publics), la majeure partie des Français (58 %) n'ont aucune
idée de ce que leur coûte leur voiture, 13 % l'évalue entre 100 et 200 euros, le reste étant en-dessous de ces chiffres. En fait, une voiture neuve, utilisée individuellement, représente un
coût annuel de 5 000 euros, soit un peu plus... de 400 euros par mois !.
Si on le compare au prix d'un abonnement
"annuel" aux transports collectifs, 400 euros, le transport public présente un avantage économique évident. Encore faut-il que leur municipalité le propose.
Quant ils existent, les transports en commun sont utilisés en priorité. Dans la capitale par exemple, la densité du réseau de métros, de bus et maintenant de vélos en location et de tramway
permet à 80 % des Parisiens d'effectuer leurs trajets quotidiens en transport en commun ou à pied. Plus de la moitié d'entre eux n'ont pas de voiture. En outre, les transports en communs
bénéficient en priorité aux moins aisés. Les automobilistes circulant à Paris disposent d’un revenu supérieur de 30 % en moyenne à celui des usagers des transports collectifs.
Penser mobilité
Dans les métropoles et grandes agglomérations françaises comme Bordeaux, Valenciennes, Lyon,
Strasbourg, Marseille... l'arrivée du tramway change le paysage et les habitudes. La ville du Mans a créé en 2007 une grande plateforme multimodale permettant aux habitants de la ville comme à
ceux de sa périphérie de multiplier l'offre de mobilité en associant sur un seul lieu, celui de la gare TGV, des parkings automobiles et vélos, une gare de tramway et d'autobus, et une desserte
taxis. 11 000 voyageurs SNCF, 20 000 piétons et 106 000 usagers bus et tram sont ainsi attendus chaque jour.
Dans les campagnes, le défi est de proposer une offre ferroviaire régionale multipliée, assortie de parkings, au service des personnes habitant dans des communes isolées. En ayant la
possibilité de faire une partie de leur trajet en train, elles pourront raccourcir leurs trajets en voiture, et diminuer les frais afférents dûs notamment à la hausse du prix du carburant.
Se déplacer sans s'encombrer
Contrairement aux idées reçues, les usagers abandonnent facilement la voiture lorsqu'ils disposent d'une offre diversifiée de mobilité et facile d'utilisation. L'auto-partage, encore mal connu
en France est un de ces exemples. Il consiste à partager un parc collectif de voitures, entre plusieurs abonnés plutôt que de posséder sa propre voiture. L'agence française de l'environnement
et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), estime que ce système permet de diviser par 8 le nombre d'automobiles nécessaires à une population donnée et, par conséquent, de réduire considérablement
le trafic urbain. En Europe, notamment en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas, ce sont déjà 200 000 usagers qui ont adopté l'auto-partage. Les communes là encore peuvent jouer un rôle
déterminant de promotion, d'aide au financement ou de facilitation technique permettant de multiplier les stations où prendre et déposer les voitures auto-partagées. En France, les villes de
Strasbourg, Marseille, Lille et Paris ont initié ce choix novateur et aidé à la mise en place de sociétés d'auto-partage. On ne compte encore que quelques milliers d'adhérents mais au fur et à
mesure que l'offre augmente et que l'information circule, le nombre d'abonnés va croissant. Ces derniers sont séduits par la facilité d'utilisation et l'absence des contraintes habituellement
liées à la voiture comme la difficulté de stationnement, et les frais de contrôle, de réparation et d'assurance...
Dans un autre registre, les pedibus, organisés là encore par les communes, rencontrent un succès croissant. Le pedibus consiste à effectuer un ramassage scolaire par exemple, à pied sous la
responsabilité d'un ou plusieurs adultes.
Diminuer la dépendance énergétique et favoriser l'emploi.
En outre, l'Inrets (Institut National de recherche sur les transports et leur sécurité) a conduit une étude fort intéressante comparant l'usage de la voiture individuelle et du transport en
commun en terme d'énergie et d'emploi. Elle a montré que, tout poste confondu, le recours à la voiture individuelle nécessite en moyenne deux fois plus d'énergie et génère deux fois moins
d'emplois par passager transporté que le recours aux transports en commun.
On peut aller plus loin encore dans la création d'emploi et la diminution de la dépendance au pétrole. La ville de Lille se tourne ainsi vers la filière biogaz. Elle lie la politique des
déchets et celle des transports en développant une flotte de bus et de véhicules municipaux alimentés en carburant biogaz issu de la méthanisation des déchets organiques de l'agglomération.
L'objectif affiché est de pouvoir étendre le système à toute la flotte de bus lilloise et de créer une chaîne d'alimentation biogaz de Lille à Stockholm, au sein d'une association de communes
européennes, BioGASMAX.
Comme la plupart des projets novateurs dans le transport, cette action est en partie financée par l'Union Européenne pour qui la refonte de la politique des transports est une priorité.
Les ressources pour penser autrement la mobilité sont multiples.
Elles font appel à une autre vision de l'usage de la voiture, à une multiplication de l'offre de transports en
commun pensée au niveau local comme régional et à la facilitation de transports doux dans les villes, comme la marche ou le vélo, plébiscitée par de plus en plus de citadins. Au niveau
économique local, elles permettent une revitalisation des centre-ville et au niveau régional ou national, la création de nombreux emplois. Elles demandent des changements d'habitude mais elles
permettent aussi de se réapproprier l'espace urbain. Parce qu'une rue sans voiture, c'est aussi un espace où l'on peut tout simplement, laisser ses enfants courir.
Article rédigé par Isabelle Delannoy - eco-echos.com - pour Cap21