Commémorer la Grande Guerre à Colombes
Aujourd'hui, c'est le 90ème anniversaire
de l'Armistice du 11 novembre 1918 (Rassemblement à la Maison du Combattant à 10h, cortège dans les rues de Colombes jusqu'à la Place du Souvenir, pour une cérémonie au Monument
aux Morts à 11h).
Voici deux évocations à cette occasion :
1) "Il me faut revenir en arrière, à l’époque où j’étais en traitement à Paris. Mon frère Félix avait été fait prisonnier avec tout son bataillon à Vauquies en Argonne, en 19l5, il fut interné au
camp de Zinrou, près de la frontière autrichienne. Il travaillait dans une usine de pâte à papier. Beaucoup plus tard, dans l’été très probablement, je reçus une lettre de lui, dans laquelle il
me disait qu’il venait de recevoir tout un lot de sous-vêtements et de chemises par l’intermédiaire d’un copain dont les parents étaient propriétaires du “café du cadran” à COLOMBES. Ce dernier,
qui était déjà pourvu, donna le colis à mon frère. Mon frère me demandait d’aller remercier les donateurs du colis : c’était les propriétaires du salon de coiffure (M. et Mme Henault et leurs
deux filles ; Andrée et Marcelle). Le salon de coiffure se trouvait en face du “café du cadran”. Je partis donc par le train pour COLOMBES et je me présentais de la part de mon frère. Je fus très
bien reçu et l’on me fit monter à l’appartement pour pouvoir causer plus facilement. Je vis donc mes futurs beaux-parents (qui furent aussi les beaux-parents de Félix). Je vis aussi leur fille
Marcelle, et une “petite poupée Lucette” qui jouait sur les genoux de son grand-père maternel. On m’expliqua que son père (Mr. Julien Toux) avait été tué le 4 Mai 1915 ; Coïncidence, je m’étais
engagé ce jour-là.
Les vêtements envoyés étaient les siens, sa veuve Andrée (mère de Lucette) ayant voulu en faire profiter des soldats prisonniers. On m’invita à revenir un dimanche afin de voir toute la famille.
J’ai donc vu, pour la première fois Celle qui devait devenir ma femme, mais j’étais loin de me douter de cela. Mon frère Félix avait de son coté envoyé une lettre de remerciements tellement bien
troussée que Marcelle s’écria aussitôt “Je l’adopte comme filleul”.
De mon coté, je m’étais présenté en tenue militaire (et pour cause), vareuse bleu foncé, culotte et bandes molletières, grand béret, cape bleu horizon, avec mon bras en écharpe (blessure de
Novembre 1916), et ma figure de gamin, (du fait que cela se passait en 1917, j’avais vingt ans), j’ai su plus tard par “Dédée” que j’avais fait “mon petit effet”. J’eus probablement l’occasion de
retourner à COLOMBES (mais je ne m’en souviens pas).
Peu après l’Armistice du 11 Novembre 1918, j’appris que mon frère Félix s’était évadé le 4 Novembre avec cinq copains et la complicité de femmes allemandes dont certaines se marièrent plus tard
avec des français. Me trouvant en permission à Paris, je reçus un télégramme destiné à mon père. Comme il avait été expédié de Lyon, je fis le rapprochement, je l’ouvris et j’appris que mon frère
Félix été bien arrivé à Lyon. Aussitôt je me rendis “Au Bon Marché” où travaillait mon père pour l’avertir. Pendant que je lui parlais, j’aperçus Félix qui arrivait. Il vint près de nous (et les
collègues de mon père s’attroupèrent autour de nous). Félix raconta brièvement son Odyssée. Dès qu’il fut restauré, rue RAMEAU, il fit sa toilette à fond, et nous allâmes à COLOMBES. C’était le
18 Novembre 1918, Andrée se trouvait chez ses parents. Elle nous invita à venir dîner chez elle, un soir avec sa sœur. Nous fûmes particulièrement bien traités, Dédée avait encore des bouteilles
de Vosne-Romanée (Bourgogne), l’ambiance fut excellente et explosive ! A la fin du repas, Dédée avait déjà pris une température très élevée. Elle voulait nous faire oublier la guerre en buvant,
elle se prit au jeu. A cette époque, je tenais le coup, j’avais vingt et un ans, nous dûmes la coucher et placer une cuvette à coté d’elle. Je ris encore en écrivant cela, Pauvre Dédée ! Le
souvenir de cette soirée, rue DUROC, ne me quittait pas et je compris qu’un lien venait de se nouer, entre Dédée et moi.
Je rejoignis mon régiment, le 271ème Régiment d’Artillerie de Campagne, porté en Allemagne. Félix et Marcelle se fiancèrent peu après, et ils fixèrent la date du mariage au 31 Mars 1919, je fus
du mariage avec Dédée comme cavalière, et ce fut le commencement de nos amours. Après cette guerre qui avait fait tant de mal, nous avions l’un et l’autre un grand besoin d’affection. Félix et
Marcelle eurent trois filles, Ginette, Madeleine, Claudie et prirent la succession du salon de coiffure de Monsieur et Madame Henault. Avec Andrée nous échangeâmes une correspondance très
fréquente. Je fus démobilisé le 13 Septembre 1919."
Extrait des mémoires de Maurice Renoux.
2) Sa famille est originaire du Jura et son père, instituteur en France et parti comme "colon" en Tunisie, pour devenir ingénieur des Ponts et Chaussées.
Il est mobilisé en avril 1917 comme soldat de 2e classe à la Manouba, les anciennes écuries du Bey de Tunis, au sein de l'armée d'Afrique. Il passe par plusieurs régiments pour aboutir fin 1918
dans les Ardennes. Réformé temporairement en 1919 pour une tuberculose pulmonaire, il entre la même année dans l'artillerie coloniale. Il est enfin définitivement réformé en 1924 à Constantinople
où il avait été affecté avec une pension d'invalidité permanente pour pleurésie.
Après sa démobilisation, il a occupé plusieurs fonctions dont celle d’électricien puis en 1933, il a créé sa propre entreprise de construction électrique, moteur, réparation, bobinage et
transformation, implantée à COLOMBES où il a toujours vécu avec sa femme. Il était retraité depuis 1969.
A partir de 2002, il a résidé dans une maison de retraite médicalisée à Tosny (Eure). Il ne lisait plus, ne regardait plus la télévision mais aimait encore écouter la radio.
Le 11 Novembre 2006, âgé de 108 ans - le plus jeune alors des quatre derniers poilus français -, il a assisté en compagnie de son arrière-petite fille Charlène et de Jacques Chirac à la
commémoration de l'armistice de 1918 sur la place de l'arc de Triomphe à Paris.
Le dernier combattant, acteur et témoin de la 1ère Guerre Mondiale, Lazarre Ponticelli, est décédé lui le 12 mars dernier, à l'âge de 110 ans.
Hommage à René Riffaud (19 décembre 1898 à Souk el Arba, Tunisie - 15 janvier 2007 à Tosny, France).