L'enfant terrible du centrisme alsacien
Le Président du Conseil Régional d’Alsace Adrien Zeller est décédé d'un accident cardiaque samedi 22 août, à l'âge de 69 ans.
"C'était un esprit original, créatif, amoureux de sa région, l'Alsace, et des régions, c'est un homme qui a fait son chemin avec beaucoup de liberté, d'indépendance d'esprit", a affirmé François Bayrou.
"Il s'est fait élire au début de sa vie politique contre les appareils et il a présidé sa région loin de toute idéologie"
Adrien Zeller "était un créatif concret et à ce titre il était sûrement exemplaire parmi les présidents de région. En plus c'était un homme généreux,
bouillonnant d'idées, constamment dans le mouvement et sans aucun doute il manquera à seds amis et à sa région"
Retour sur un parcours politique atypique.
Élu président de la Région Alsace pour la première fois, en avril 1996, moins d’un mois après le décès du centriste Marcel Rudloff, dans un duel sans merci avec le
sénateur RPR Hubert Haenel et grâce à l’appoint des voix des Verts, Adrien Zeller (UDF) avait su, après les régionales de 1998, recréer l’unité de la majorité autour de lui, proposant à son
ancien adversaire d’être son premier vice-président et d’animer la commission des transports. Depuis, tous deux avaient travaillé en bonne intelligence, défendant de concert la régionalisation
ferroviaire et les deux TGV, Est et Rhin-Rhône.
En 2002, ce centriste atypique, souvent frondeur, qui avait même conduit une liste régionale dissidente en 1992 contre celle emmenée par Daniel Hoeffel et Marcel Rudloff, avait rejoint l’UMP, à
l’instar des autres grands élus UDF et au grand dam de François Bayrou, dont il n’appréciait pas les options.
Mais il restait viscéralement centriste et a tout fait pour maintenir l’unité entre UMP et UDF, quitte à donner la première vice-présidence au Mulhousien Bernard Stoessel qui a assuré, avec
doigté, l’intérim au cours des dernières semaines. Un bon calcul : en 2004, Zeller sera ainsi le seul président de conseil régional de droite, avec celui de Corse, alors que toutes les autres
régions basculaient à gauche.
Passionné par la réforme des collectivités – il a coprésidé l’Institut de la décentralisation et a rédigé un plaidoyer en faveur d’ « une France forte de ses Régions » – Adrien Zeller
s’est élevé contre les propositions de la commission Balladur, contestant la réforme du mode de scrutin. Celle-ci, a-t-il inlassablement expliqué, irait à l’encontre de la parité et d’une
représentativité de l’ensemble des partis, lui qui n’avait cependant jamais rien cédé au Front national. Et aussi, il craignait « une cantonalisation » de l’assemblée régionale. Il
s’apprêtait d’ailleurs à publier un article critique, pointant les insuffisances de la réforme, tout en sachant ce combat sans doute perdu d’avance.
« Je ne demande rien, je fais mon boulot »
Mais surtout, le président alsacien, qui détestait par-dessus tout un certain parisianisme, n’a cessé de prôner une France plus décentralisée, avec moins de
doublons entre l’État et les Régions. Plus surprenant, « Adrien », comme l’appelaient ses amis, s’était également montré méfiant devant la proposition de fusion des trois collectivités
alsaciennes, chère à son ami Philippe Richert. Car pour lui, nul ne pourrait passer outre les réticences de nombreux Haut-Rhinois. Adapte cependant du « travailler ensemble » avec les deux
Départements, il avait donné son accord, début juillet, à la proposition de Charles Buttner d’un congrès des trois exécutifs, Région, Bas-Rhin et Haut-Rhin. Celui-ci devait se tenir fin
septembre.
Cette présidence du conseil régional, qui avait fait d’Adrien Zeller le premier des Alsaciens, — même si ses pouvoirs n’étaient de loin pas ceux de son voisin, ministre-président du
Bade-Wurtemberg, avec qui il entretenait d’excellentes relations — était venue couronner une carrière publique qui lui avait permis d’obtenir tous les mandats, locaux et nationaux. C’est contre
toute attente que l’enfant terrible du centrisme alsacien – tel qu’il était présenté à l’époque — s’imposa sur la scène politique en 1973, en battant le député UDR sortant de Saverne dont il fut
le conseiller général, mais aussi le maire. Un fauteuil qu’il a quitté volontairement, quoiqu’à regret en 2001, pour être président à temps plein de l’Alsace.
Cet Européen convaincu – qui avait commencé sa vie professionnelle comme agronome à Bruxelles — fut également député au Parlement de Strasbourg, élu en 1989 sur la liste de Simone Veil,
concurrente de celle de Valéry Giscard d’Estaing. Auparavant, il avait été, pendant deux ans, lors de la première cohabitation de 1986, secrétaire d’État chargé de la Sécurité sociale auprès du
ministre Philippe Seguin. D’aucuns, parmi ses proches, pensaient qu’il eût fait un excellent secrétaire d’État à la réforme des collectivités au sein du gouvernement actuel. « Je ne demande
rien, je fais mon boulot », nous avait-il répondu après les dernières européennes. Et il comptait le faire jusqu’au bout. Jusqu’aux régionales de mars 2010. Même s’il n’avait pas annoncé
publiquement s’il allait ou non se représenter. Mais sa décision était prise.
(c) LAlsace.fr 23/08/09