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Le Blog du MoDem de Colombes

Bayrou défend des valeurs humanistes

11 Février 2012, 17:33pm

Publié par MoDem-Colombes

http://www.rmc.fr/images/article/2012-02-11T152653Z_1_APAE81A16WV00_RTROPTP_3_OFRTP-FRANCE-PRESIDENTIELLE-BAYROU-2-20120211.JPG

 

Dans son intervention d’hier, Nicolas Sarkozy dit « valeurs ». Précisément, c’est valeurs contre « valeurs ». 

Si l’on me demande en un mot, un seul mot, de dire quel est le but ultime de la société que nous voulons construire, je répondrai « humanisme ».

L’humanisme est un projet à part entière. Il considère que la personne humaine, dans son émancipation des aliénations qu’on lui impose, dans sa liberté, dans la reconnaissance qu’on lui doit et qu’elle doit aux autres, dans son bien-être, dans sa capacité créatrice, est l’horizon des sociétés dans lesquelles il vit. 

On vit ensemble, bien sûr, et c’est nécessaire, et l’être humain ne peut pas se développer dans la solitude. Ni lorsqu’il est enfant, ni même lorsqu’il est adulte : son travail, sa vie de famille, sa vie civique se déroulent dans des familles, dans des amitiés, dans des entreprises, dans des communautés de destin. Il vit beaucoup par le regard et la reconnaissance des autres.

Mais c’est sa réalisation personnelle qui au bout du compte signe l’accomplissement de sa vie. Non pas seulement le bonheur, notion que je n’aborde qu’avec prudence et retenue, mais sa liberté de pensée, son jugement, les conditions matérielles de sa vie et de celle de sa famille, un certain équilibre personnel, et s’il se peut la transmission aux générations qui viennent de ce qu’il a de précieux.

Or nous croyons que tout cela n’arrive pas par hasard. Tout cela est aussi le fruit de notre vie en société, de la bonne santé d’un pays, du bloc de certitudes que nous partageons et qui nous font vivre ensemble.

Et nous pensons qu’humanisme signifie nécessairement et en même temps liberté et solidarité.

La liberté n’est pas un acquis. Elle se construit. Et elle se construit si l’on y réfléchit bien contre les tendances naturelles de l’humanité. Ce qui est naturel, si on laisse faire, ce n’est pas la liberté, c’est l’esclavage, la domination, l’aliénation. La liberté se gagne, par des conditions matérielles de dignité de logement, de santé, de revenus, mais elle se construit et se protège par la loi, se construit et se protège par la culture et par les droits.

La solidarité n’a rien de naturel. Ce qui est naturel, c’est l’égoïsme. La solidarité exige le partage, l’élaboration de mécanismes de soutien et d’alerte.

La liberté et la solidarité sont donc les fruits de politiques, décidées en commun, soutenues, encouragées et parfois conduites directement par la puissance publique. La France est ce pays, qui sous le nom de République, a fait de l’humanisme son idéal national. 

La République libère de toutes les dépendances et garantit le vivre ensemble : c’est pourquoi elle protège les consciences par la laïcité.

La République n’abandonne pas les plus faibles : c’est pourquoi elle a construit des sécurités, assurance-maladie, assurance vieillesse, assurance accidents du travail, assurance chômage.

La République investit dans l’avenir : c’est pourquoi elle a porté la politique familiale la plus déterminée de tout le monde occidental. C’est pourquoi elle considère que l’école, dont nous avons parlé ici même la semaine dernière, est l’alpha et l’omega de son projet.

La République sait que la solidité d’une chaîne se juge à la solidité de son maillon le plus faible : c’est pourquoi elle considère le handicap et la dépendance comme son affaire, la lutte contre la précarité comme son affaire

Voilà nos convictions. Elles ont été portées, avec constance, au travers du temps par les courants de pensée démocrates et républicains. 

Or ce qu’on nous propose aujourd’hui, ce que Nicolas Sarkozy présente comme « valeurs », c’est à mes yeux la négation d’un certain nombre de valeurs qui sont celles de la France. 

L’idée, pour gagner des voix, d’un référendum organisé sur le droit des chômeurs, c’est la négation de ce qu’un chef d’État doit à un pays comme la France.

Ce ne sont pas les chômeurs qui sont responsables du chômage : ce sont les gouvernants. Il y a peut-être des abus en leurs rangs, il y en a probablement, mais pas plus que dans le monde de la finance, pas plus que chez certains élus, abusant de fonds publics ! S’il y a des abus il faut les corriger, mais pas en faisant des chômeurs le symbole des dérives d’une société dont ils sont plus souvent les victimes que les coupables !

Vous voyez ce que référendum veut dire : le référendum, chaque fois que le sujet est passionnel, c’est l’assurance de faire flamber les passions. Et lorsque le sujet du référendum, ce sont des personnes, chômeurs ou étrangers, alors c’est contre ces personnes que les passions flambent. Pour obtenir le « oui » il faudra exposer des exemples d’abus.

C’est contre le voisin qu’on votera. Contre le voisin d’immeuble, le voisin de palier.

Les hommes politiques ne devraient pas s’y prêter. Les hommes d’État devraient se l’interdire. Le Président de la République plus que tout autre. Car sa fonction, c’est avoir charge de tout un peuple, non pas pour le diviser, mais pour l’unir.

Aucun des présidents de la République précédents, aucun, ni Charles de Gaulle évidemment, ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d’Estaing, ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac n’aurait accepté une telle perspective

Et qu’y a-t-il derrière cette orientation : il y a l’idée que c’est l’électorat de l’extrême droite qui constitue le grand grenier à voix. Il y a que c’est en jouant de cette corde : « les chômeurs ne foutent rien… », et « les étrangers, voilà la question », que l’on peut puiser dans cet électorat. Il y a que la fin justifie toujours les moyens.

J’affirme qu’aucun des hommes ou des femmes du centre, ou qui ont eu les convictions du centre, même s’ils sont passés à l’UMP, ne peut accepter cela. J’affirme que la droite républicaine française, pas plus que la gauche, ne peuvent l’accepter. Chaban et sa nouvelle société ; de Gaulle et la participation ; les libéraux qui attachent un si grand prix à la sagesse de la loi : aucun d’entre eux ne peut se taire quand il voit à quels ressorts on veut faire appel.

Parce que les moyens ne sont pas différents du projet ! Le projet est dans les moyens comme l’arbre est dans la grain.

Le moment est venu de lancer un appel : je le dis à tous ceux, au centre, dans la majorité ou dans l’opposition, je dis à tous les Français qui ont une certaine idée de la France, qui sont des républicains et qui sont des humanistes, qu’il y a des choses qu’on n’a pas le droit de laisser faire ou de laisser dire, qu’il y a des directions qu’on n’a pas le droit de laisser prendre. Il est un moment où la politique s’arrête, les intérêts politiques, les intérêts de camp ou de parti, et où commence la défense de l’essentiel ! La défense du monde qu’on veut transmettre aux enfants ! 

Quand un homme exerçant les fonctions de président de la République, en annonçant sa candidature, dit : je ferai deux référendums, l’un sur les chômeurs, l’autre sur les étrangers, il ne parle pas d’améliorations, de lois, de règlements, il donne à entendre, volontairement, à une société en mal d’être que l’étranger et le chômeur sont les deux responsables de la maladie du pays. 

Eh bien, je regrette d’avoir à lui dire ceci : nous sommes la société, nous sommes la civilisation, puisqu’ils aiment tant parler de civilisation, nous sommes depuis deux mille ans, la civilisation qui refuse de faire de l’étranger et du chômeur les coupables de nos maux. La civilisation qui refuse de faire du faible le responsable des mauvais choix des forts. 

Eh bien nous allons montrer que les héritages dont nous avons la charge, que ces valeurs précisément, elles doivent être défendues, et elles doivent être défendues non pas par d’autres, mais par nous !

Nous allons montrer que l’humanisme ne se divise  pas ! Nous allons montrer que  l’humanisme sait se battre ! Nous allons réarmer l’humanisme comme force de combat.    

 

Extrait de « Solidarité », Discours de clôture de François Bayrou – Maison de la Chimie – 11 février 2012

 

http://bayrou.fr/forum/forum-3

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