Dans les colonnes du journal Le Parisien, François Bayrou accuse le gouvernement de freiner et d'étouffer la création de richesse et d'emplois en
France.
Le gouvernement renonce à réduire le déficit à 3 pour cent. Etes-vous surpris ?
François Bayrou - Il y a deux signaux d’alerte cette semaine : le rapport de la Cour des comptes. Ce sont des chiffres indiscutables. Et le drame des immolations devant Pôle emploi. Ce sont des
drames humains insupportables. On sait maintenant que les promesses faites durant la présidentielle ne seront pas tenues. Ce qu’on attend, c’est une politique d’urgence pour le
redressement.
Le gouvernement a déjà serré les boulons. Peut-il aller plus loin ?
Les économies sont indispensables et inévitables. Mais l’essentiel est dans la création de richesse et d’emplois. Notre pays pourrait produire, dans tous les secteurs d’activité. Or tout cela est
freiné et étouffé. On empêche les créateurs de créer, les entrepreneurs d’avancer !
Hollande a-t-il les marges de manœuvre nécessaires ?
La majorité de François Hollande est celle qui correspond aux illusions du printemps, pas à la réalité de la situation du pays. Il ne suffisait pas de changer de dirigeants et de créer des impôts
pour opérer le redressement. Il est de la responsabilité du président de la République de donner au pays un nouveau cap.
Sa cote de popularité s’est redressée...
Il va falloir que François Hollande assume ses choix. Si cette politique d’urgence n’est pas appliquée, je crains de graves tensions. Il y a un sentiment d’amertume qui grandit à l’égard des
politiques.
Et un risque d’explosion sociale ?
D’habitude, on craint des mouvements syndicaux dans les entreprises. Mais le plus grave, c’est pour les millions de personnes qui ont perdu leur travail et n’ont plus d’espoir d’en retrouver.
C’est là que la maison brûle. Le sentiment de désespoir des gens qui sont reçus à Pôle emploi sans espoir de bonnes nouvelles. Là est le principal risque. Hollande doit prendre ce drame en
main.
Comment ?
Il faut faire sauter tous les obstacles dressés contre ceux qui veulent créer de l’activité : le labyrinthe des normes, la complexité du droit du travail, l’insécurité juridique et fiscale
permanente. Aidons ceux qui veulent avancer.
Le taux d’imposition de 75 pour cent, est-ce une erreur ?
Une grave erreur. A l’époque, j’avais dit : 'Le déconnomètre fonctionne à plein tube'. C’est le message d’une France recordman du monde du matraquage fiscal. Trop d’impôt fait fuir le
contribuable aisé ou qui rêve de l’être, les sièges sociaux des entreprises, et cela ne rapporte rien. Quelques dizaines de millions d’euros à peine.
Que pensez-vous du débat sur le salaire du PDG de Renault ?
Ce niveau de salaire dépasse la raison. L’Etat actionnaire peut le faire entendre au conseil d’administration. Je souhaite moins de mise en scène et plus d’efficacité.
Jean-Louis Borloo renonçant à se présenter pour la mairie Paris, est-ce une surprise ?
Non. C’est le même choix qu’à l’élection présidentielle. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il y a une logique dans tout cela : l’UMP fait ses choix et ceux qui ont choisi d’en être
les satellites les subissent et n’ont pas leur mot à dire. Pourtant, s’il est une ville qui mérite qu’on lui offre d’autres choix que l’UMP et le PS, c’est bien la capitale. On doit parler de vie
quoti- dienne et de rayonnement de Paris avec un ton nouveau, loin des enjeux partisans. Les Parisiens ont des attentes qui dépassent les partis !
Quelle sera votre stratégie à Paris ?
Notre équipe va se mettre en place autour de Marielle de Sarnez, avec une approche non partisane. Partout en France, nous préparons des équipes et des projets partant du terrain. La question des
municipales, c’est un choix de vie dans la ville, pas d’étiquette.
L’Europe qui réautorise les farines animales, est-ce acceptable ?
Ça tombe mal, en pleine affaire d’escroquerie sur la viande de cheval. C’est à la France de faire avancer l’étiquetage et d’imposer l’origine claire des produits alimentaires. Certains ne le
veulent pas. Ceux-là, il faut les faire reculer. Vous verrez que, si la France va de l’avant, les consommateurs achèteront des produits français.
Le retour de Nicolas Sarkozy vous paraît-il crédible ?
Je n’ai jamais cru qu’il partait vraiment ni qu’il attendrait beaucoup pour son retour. Il pense que l’influence politique ne s’use que si on ne s’en sert pas. Sa nature est d’être présent et
actif.
Christine Lagarde, directrice du FMI, risque d’être entendue dans l’affaire de l’arbitrage Tapie...
Ce qui est grave pour la France, c’est que la justice confirme qu’il y a matière à soupçon dans cette grave affaire. Notre long combat est justifié. C’est l’Etat qui est en cause, lui dont la
mission devrait être de défendre le contribuable et le citoyen, pas d’organiser un montage pour que Bernard Tapie touche le jackpot.
Le pape qui démissionne alors que Jean-Paul II avait choisi d’aller jusqu’au bout, cela vous choque-t-il ?
Jean-Paul II avait choisi l’héroïsme. Son successeur a le courage de se reti- rer. Les deux sont grands. On aura un pape plus jeune, plus solide et sortant sans doute des sentiers battus.