« Rassembler la famille centriste », c’est la ritournelle chantonnée quasi quotidiennement par Jean-Louis Borloo depuis le lancement de l’Union des démocrates et indépendants en
octobre dernier. A chaque adhésion d’une formation politique à l’UDI, le leader de centre droit entonne le mélodieux refrain du rassemblement. Fin septembre, quand le Centre national des
indépendants et paysans (CNI) rejoint la « famille élargie ». Début janvier, quand le Parti libéral démocrate (PLD) annonce son ralliement. « La famille centriste
est majoritairement rassemblée au sein de l’UDI ! », jure, enthousiaste, Eric Azière, directeur général du nouveau parti et ancien compagnon de route de François Bayrou.
Mais une fausse note demeure dans cette mélodie du bonheur centriste. La non-participation du Modem -qui résiste encore et toujours à « l’affront », le terme est de Bayrou,
infligé par Borloo- agace ou inquiète, c’est selon, certains membres de l’UDI. Quelques semaines avant la création de l’UDI, Rama Yade, lucide, admettait : « Si Bayrou dit « le
centrisme c’est moi », ça brouillera notre message. »
Alors, pour dissiper toute brume, les plus optimistes se plaisent à répéter
« qu’un accord avec le Modem pour les européennes est possible », à l’instar de François
Sauvadet, interrogé dans
Libération.
Pourquoi tant d’espoir ? Parce que Marielle de Sarnez et Jean-Louis Borloo ont effectivement, de l'aveu de la principale intéressée, « évoquer cette échéance européenne ensemble
lors d’une entrevue début décembre », en présence de Jean-Marie Vanlerenberghe. Le sénateur du Pas-de-Calais, qui a quitté le Modem pour rejoindre l’UDI, joue depuis les «
Monsieur bons offices », selon l’expression d’un borlooïste. Mais de là à imaginer que cela suffise à réconcilier les deux camps... « Jean-Louis Borloo et moi, on se connaît
depuis longtemps, c’est normal qu’on se voit », tempère la députée européenne interrogée par Marianne. Rien n’a été conclu néanmoins le fait même que le sujet des
élections européennes se soit retrouvé sur la table prouve, pour un cadre UDI, que « la possibilité de rapprochement est forte. » Mais attention,« Jean-Louis n’est
pas demandeur, précise cet interlocuteur, c’est Sarnez qui est venue dans son bureau et pas l’inverse ». Qu’on se le dise, Borloo n’a pas besoin des services
du Modem pour atteindre un noble score aux prochaines élections européennes.
Ce n’est pourtant pas l’avis d’autres membres de la direction de l’UDI qui admettent bien volontiers que leur formation manque d’une organisation solide et structurée. Une alliance avec
le Modem pourrait, dans ce contexte, représenter l’assurance pour le mouvement borlooïste de partir à la bataille avec l’appui et l’expérience d’un parti rompu à l’exercice électoral.
D’autres part, comme le souligne Jean-Luc Bennahmias, député européen Modem farouchement opposé à tout partenariat avec le mouvement de centre droit, « l’UDI devra mobiliser un
électorat central divisé ». Dans ces conditions, difficile pour l’UDI de réaliser « le score très haut » que dit aujourd’hui viser Eric Azière.
Côté Modem enfin, on doute franchement de l’intérêt d’une telle alliance. D’abord, le Mouvement démocrate a construit sa légitimité et son aura sur la question européenne. Déjà
mal-en-point, le parti bayrouiste, s’il refusait de faire cavalier seul en 2014, prendrait le risque de passer à côté de « sa phase de reconsolidation », dixit l’un de
ses stratèges, indispensable après la déculottée de la présidentielle 2012. Ensuite, aussitôt l’accord conclu, le Modem perdrait au moins l’un de ses cinq députés européens sortants en la
personne de Jean-Luc Bennahmias, plus proche de la gauche que du centre droit, qui compte parmi les plus fidèles –et désormais rares- bayrouistes. Se pose également la question du sort
réservé à Marielle de Sarnez elle-même. Difficile d’imaginer le bras droit de Bayrou accepter un rôle de second plan. Or, à l’UDI, plusieurs personnalités, comme Yves Jégo notamment,
refusent de sacrifier des candidats pour satisfaire les ambitions des dirigeants du Modem dont ils assurent ne pas avoir besoin pour exister.
Enfin, dernier obstacle de taille : François Bayrou. Malgré un discours d’ouverture lors de ses vœux à la presse laissant entendre que « d’autres [pourraient] venir travailler
avec [le Modem] », le « patron », comme on le surnomme rue de l’Université, « est réfractaire à l’idée de tout rapprochement, admet Azière. Il fait
seulement semblant d’être compréhensif vis-à-vis de l’UDI. » Un avis partagé par Jean-Luc Bennahmias et Dominique Paillé, membre du Parti radical et ex-proche de Bayrou, qui
affirment tous deux ne percevoir aucune envie d’alliance chez l’ancien candidat à la présidentielle et surtout aucune croyance en la machine UDI. Il faut dire que Bayrou a eu comme tout
le monde le loisir d'observer les tergiversations parisiennes et le renoncement élyséen du chef radical. En attendant le prochain pas en arrière de son rival, autant feindre
d'entrebailler la porte. Il sera toujours temps de la refermer en 2014.